EHRM, 21-01-2010, nr. 43757/05
ECLI:NL:XX:2010:BM2470
- Instantie
Europees Hof voor de Rechten van de Mens
- Datum
21-01-2010
- Magistraten
Peer Lorenzen, Jean-Paul Costa, Karel Jungwiert, Rait Maruste, Isabelle Berro-Lefèvre, Mirjana Lazarova Trajkovska, Zdravka Kalaydjieva
- Zaaknummer
43757/05
- LJN
BM2470
- Roepnaam
Xavier da Silveira/Frankrijk
- Vakgebied(en)
Internationaal publiekrecht / Mensenrechten
Strafrecht algemeen (V)
Internationaal publiekrecht (V)
Strafprocesrecht (V)
- Brondocumenten en formele relaties
ECLI:NL:XX:2010:BM2470, Uitspraak, Europees Hof voor de Rechten van de Mens, 21‑01‑2010
Uitspraak 21‑01‑2010
Peer Lorenzen, Jean-Paul Costa, Karel Jungwiert, Rait Maruste, Isabelle Berro-Lefèvre, Mirjana Lazarova Trajkovska, Zdravka Kalaydjieva
Partij(en)
ARRÊT
STRASBOURG
21 janvier 2010
DÉFINITIF
21/04/2010
En l'affaire Xavier Da Silveira c. France,
La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section),
siégeant en une chambre composée de :
Peer Lorenzen, président,
Jean-Paul Costa,
Karel Jungwiert,
Rait Maruste,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Zdravka Kalaydjieva, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 décembre 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
Procédure
1.
A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 43757/05) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Caio Xavier Da Silveira (‘ le requérant ’), également de nationalité brésilienne, a saisi la Cour le 6 décembre 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (‘ la Convention ’).
2.
Le requérant est représenté par Me G. Ducrey, avocat à Paris. Le gouvernement français (‘ le Gouvernement ’) est représenté par son agent, Mme Edwige Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3.
Le 1er avril 2008, le président de la cinquième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
En fait
I. Les circonstances de l'espèce
4.
Le requérant est né en 1937. Avocat inscrit au barreau de Porto (Portugal) où il exerce à titre principal, il réside également en France, à Châteauneuf-en-Thymerais.
5.
Dans le cadre d'une instruction suivie contre X des chefs d'escroquerie, mise en mémoire ou conservation informatisée de données nominatives faisant apparaître les opinions religieuses des personnes sans leur accord, un juge d'instruction de Paris, D.B., délivra une commission rogatoire en vue d'une perquisition dans le Château du Jaglu, propriété de l'association Avenir de la Culture, à Châteauneuf-en-Thymerais, dans le ressort du tribunal de grande instance de Chartres.
6.
Le 15 juin 2005, les policiers procédèrent à la perquisition, à partir de 8 h 45, en présence du juge D.B. et d'une autre juge d'instruction cosaisie, A.A.-R. Le procès-verbal rédigé par l'officier de police judiciaire indique que le requérant, dont la qualité d'avocat est expressément précisée, ainsi qu'une autre personne présente ont été requis comme témoins des opérations de perquisition.
7.
Après la visite d'un certain nombre de pièces du château et la saisie de documents, les juges et les policiers parvinrent à un appartement, domicile du requérant. Le procès-verbal rédigé par l'officier de police judiciaire fut alors rédigé dans les termes suivants :
- ‘ —
Pénétrons dans la suite que Monsieur Xavier Da Silveira nous désigne comme la sienne, composée d'un bureau, d'une salle de bain, d'un salon, d'une chambre et d'un dressing.
- —
A ce moment, Monsieur Xavier Da Silveira nous indique qu'il est avocat au barreau de Porto, et s'oppose à la perquisition dans ce qu'il indique être son domicile. Il nous présente une carte de visite rédigée en langue portugaise que nous ne sommes pas en mesure de comprendre, et sur notre demande, il nous indique n'être inscrit à aucun barreau en France.
- —
Dans le bureau, découvrons dans le placard un répertoire d'adresses Internet comportant 3 feuillets et un post-it, la photocopie d'un contrat de location meublée, un document manuscrit de 2 feuillets avec un tableau où apparaît TFP, un plan en 4 feuillets (fax) avec tampon ‘ Ebénisterie — Agencements Albert Legeay ’, documents que nous saisissons (…)
- —
Dans le salon jouxtant le bureau, découvrons un ordinateur portable de marque Sony, modèle Vaio, que Monsieur Xavier Da Silveira nous désigne comme son ordinateur personnel, que nous saisissons (…)
- —
Dans le dressing jouxtant la chambre de Xavier Da Silveira, découvrons une formule pour calcul autofinancement prospection en deux feuillets, et une pochette verte contenant divers documents en langue portugaise, que nous saisissons (…) ’
8.
Le requérant indique avoir présenté, outre les cartes de visite professionnelles portant mention de sa qualité d'avocat et de ses adresses au Portugal et en France, le contrat de bail établi à son nom et divers documents professionnels attestant que les locaux loués correspondaient à son domicile réel en France, lui-même étant un avocat inscrit au Portugal et, partant, dans un barreau de l'Union européenne. Il précise également avoir vainement précisé que le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Chartres, informé de la situation, se tenait à la disposition des juges pour assister à cette perquisition conformément aux dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale relatif au domicile d'un avocat.
9.
Aux termes de la perquisition, le procès-verbal fut présenté pour signature au requérant. Ce dernier indique qu'il s'est vu refuser le droit d'indiquer son opposition à la perquisition et aux saisies.
10.
Le 20 juin 2005, le requérant présenta au juge d'instruction une demande en restitution des objets saisis.
11.
Le 21 juin 2005, il saisit également le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris d'une requête en vue de la restitution des objets et documents saisis chez lui, de la destruction de tous les procès-verbaux relatifs à la perquisition et aux actes y afférents et, subsidiairement, de poser une question préjudicielle au tribunal de première instance des Communautés européennes sur la portée de la directive 98/5/CE relative à l'exercice de la profession d'avocat dans les pays membres.
12.
Dans une lettre du 21 juin 2005, adressée au conseil du requérant, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Chartres confirma qu'il avait bien été contacté par lui à deux reprises le 15 juin 2005 au sujet de la perquisition qui était envisagée au domicile du requérant, tout en constatant qu'il n'avait pas été officiellement avisé de cette perquisition ‘ contrairement à l'article 56-1 du code de procédure pénale ’. Il prit note de ce que la perquisition avait néanmoins eu lieu et déclara s'élever contre ‘ de telles pratiques contraires aux obligations du code de procédure pénale ’. Par la suite, le bâtonnier confirma le caractère officiel de sa lettre au conseil du requérant.
13.
Le 22 juin 2005, le juge d'instruction rejeta la demande de restitution du 20 juin 2005. Le 4 juillet 2005, le requérant déposa une requête déférant à la chambre de l'instruction l'ordonnance.
14.
Par une ordonnance du 23 juin 2005, le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris déclara irrecevable la demande du requérant, en date du 21 juin 2005, visant à la restitution des objets et documents saisis chez lui, de la destruction de tous les procès-verbaux relatifs à la perquisition et aux actes y afférents et, subsidiairement, à poser une question préjudicielle au tribunal de première instance des Communautés européennes sur la portée de la directive 98/5/CE relative à l'exercice de la profession d'avocat dans les pays membres. Le JLD jugea qu'il ne peut intervenir que lorsqu'une contestation a été élevée par le bâtonnier ou son délégué au cours de la perquisition effectuée dans un cabinet d'avocat ou son domicile, et qu'en l'espèce, du fait de l'absence du bâtonnier ou d'un délégué, aucune contestation n'a été effectuée. Il ajouta que le contentieux de la régularité de la procédure relève de la compétence exclusive de la chambre de l'instruction.
15.
Le 27 juin 2005, le requérant saisit à nouveau le juge d'instruction d'une demande en restitution des objets.
16.
Par une ordonnance du 1er juillet 2005, le juge d'instruction rejeta cette demande, aux motifs, d'une part, que la question de la régularité de la perquisition et des saisies effectuées relève de la compétence de la chambre de l'instruction déjà saisie et, d'autre part, qu'au moment de la perquisition, le requérant n'avait pas présenté de justificatif officiel prouvant de manière certaine sa qualité d'avocat régulièrement inscrit au barreau de Porto, alors qu'il lui appartenait de rapporter une preuve officielle pour bénéficier du régime de protection particulier des avocats et qu'il n'avait présenté qu'une simple carte de visite. Le 11 juillet 2005, le requérant déposa une requête contre cette ordonnance.
17.
Par une ordonnance du 6 juillet 2005, non susceptible de recours, le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris déclara irrecevable une requête, déposée le 21 juin 2005, en annulation de la perquisition effectuée au son domicile du requérant, ce dernier n'étant ni partie à la procédure, ni témoin assisté.
18.
Par deux arrêts du 13 janvier 2006, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris déclara les recours des 4 et 11 juillet irrecevables, au motif qu'ils avaient été déposés au greffe de la cour d'appel, et non au greffe du tribunal de grande instance comme le prescrit l'article 99 du code de procédure pénale.
II. Le droit et la pratique pertinents
19.
Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale, applicables au moment des faits, se lisent comme suit :
Article 56-1
‘ Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué. Ce magistrat et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie.
Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à la saisie d'un document à laquelle le magistrat a l'intention de procéder s'il estime que cette saisie serait irrégulière. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure.
Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.
A cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que l'avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.
S'il estime qu'il n'y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.
Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction. ’
20.
Les dispositions pertinentes du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, modifié par le décret no 2004-1123 du 14 octobre 2004 se lisent comme suit :
‘ Chapitre Ier : Dispositions communes
Article 200
Le présent titre est applicable aux avocats ressortissants de l'un des Etats membres de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ayant acquis leur qualification dans l'un de ces Etats membres ou parties autres que la France ou dans la Confédération suisse, venant accomplir à titre permanent ou occasionnel, sous leur titre professionnel d'origine, leur activité professionnelle en France.
Article 201
Pour l'application du présent titre, sont reconnus en France comme avocats les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui exercent leurs activités professionnelles dans l'un de ces Etats membres ou parties autres que la France ou dans la Confédération suisse sous l'un des titres professionnels suivants :
(…)
- —
au Portugal : advogado ;
(…).
Chapitre II : La libre prestation de services.
Article 202
L'activité professionnelle des avocats ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse établis à titre permanent dans l'un de ces Etats membres ou parties autre que la France ou en Confédération suisse est exercée dans les conditions ci-après définies. Elle ne peut toutefois s'étendre aux domaines qui relèvent de la compétence exclusive des officiers publics ou ministériels.
Ces avocats font usage, en France, de l'un des titres mentionnés à l'article 201, exprimé dans la ou l'une des langues de l'Etat où ils sont établis, accompagné du nom de l'organisme professionnel dont ils relèvent ou de celui de la juridiction auprès de laquelle ils sont habilités à exercer en application de la législation de cet Etat.
Le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est assurée la prestation de services, le bâtonnier de l'Ordre des avocats territorialement compétent, le président et les membres de la juridiction ou de l'organisme juridictionnel ou disciplinaire ou le représentant qualifié de l'autorité publique devant lequel se présente l'avocat peuvent lui demander de justifier de sa qualité.
Article 202-1
Lorsqu'un avocat mentionné à l'article 202 assure la représentation ou la défense d'un client en justice ou devant les autorités publiques, il exerce ses fonctions dans les mêmes conditions qu'un avocat inscrit à un barreau français.
Il respecte les règles professionnelles françaises, sans préjudice des obligations non contraires qui lui incombent dans l'Etat dans lequel il est établi.
Il doit notamment se soumettre aux prescriptions de l'article 158.
En matière civile, lorsque la représentation est obligatoire devant le tribunal de grande instance, il ne peut se constituer qu'après avoir élu domicile auprès d'un avocat établi près le tribunal saisi et auquel les actes de la procédure sont valablement notifiés. Il joint à l'acte introductif d'instance ou à la constitution en défense, selon le cas, un document, signé par cet avocat, attestant l'existence d'une convention qui autorise l'élection de domicile pour l'instance considérée. Devant la cour d'appel, il doit agir de concert avec un avoué près cette cour d'appel ou un avocat habilité à représenter les parties devant elles.
A tout moment, l'un ou l'autre des avocats signataires de la convention mentionnée à l'alinéa précédent peut y mettre fin par dénonciation notifiée à son confrère ainsi qu'aux avocats représentant les autres parties, sous réserve qu'un autre avocat ait été désigné par l'avocat prestataire de service mentionné à l'article 201. La partie la plus diligente en avise la juridiction en lui communiquant le nom de l'avocat chez qui il a temporairement élu domicile.
Article 202-2
Pour l'exercice, en France, des activités autres que celles prévues à l'article 202-1, les avocats mentionnés à l'article 202 restent soumis aux conditions d'exercice et aux règles professionnelles applicables à leur profession dans l'Etat dans lequel ils sont établis.
Ils sont aussi tenus au respect des règles qui s'imposent, pour l'exercice de ces activités, aux avocats inscrits à un barreau français, notamment celles concernant l'incompatibilité entre l'exercice, en France, des activités d'avocat et celui d'autres activités, le secret professionnel, les rapports confraternels, l'interdiction d'assistance par un même avocat de parties ayant des intérêts opposés et la publicité. Ces règles ne leur sont applicables que si elles peuvent être observées alors qu'ils ne disposent pas d'un établissement en France et dans la mesure où leur observation se justifie objectivement pour assurer, en France, l'exercice correct des activités d'avocat, la dignité de la profession et le respect des incompatibilités.
Article 202-3
En cas de manquement par les avocats mentionnés à l'article 202 aux dispositions du présent décret, ceux-ci sont soumis aux dispositions des articles 180 et suivants relatifs à la discipline des avocats inscrits à un barreau français. Toutefois, pour l'application de l'article 184, les peines disciplinaires de l'interdiction temporaire et de la radiation du tableau ou de la liste du stage sont remplacées par la peine de l'interdiction provisoire ou définitive d'exercer, en France, des activités professionnelles. L'autorité disciplinaire française peut demander à l'autorité compétente de l'Etat d'origine communication des renseignements professionnels concernant les avocats intéressés. Elle informe cette dernière autorité de toute décision prise. Ces communications ne portent pas atteinte au caractère confidentiel des renseignements fournis.
Chapitre III : L'exercice permanent de la profession d'avocat.
Article 203
L'avocat ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ayant acquis sa qualification dans l'un de ces Etats membres ou parties autres que la France ou en Confédération suisse, qui exerce en France son activité professionnelle à titre permanent sous son titre professionnel d'origine par application des dispositions du titre IV de la loi du 31 décembre 1971 précitée, est soumis aux dispositions du présent décret, sous réserve des dispositions du présent chapitre. ’
En droit
I. Sur la violation alléguée des Articles 6 § 1, 8 pris seul et combiné avec les Articles 13 et 14 de la Convention, et 1 du Protocole no 1 combiné avec l'article 13
21.
Le requérant critique la perquisition litigieuse et les actes subséquents. Il estime avoir été privé du bénéfice tant du régime de protection particulier prévu à l'article 56-1 du code de procédure pénale, malgré sa qualité d'avocat inscrit à un barreau étranger, que d'un recours effectif devant une instance nationale pour contester la perquisition et les saisies. La Cour estime d'emblée que les griefs du requérant se situant principalement sur le terrain de l'article 8 de la Convention, il convient tout d'abord de les examiner sous cet angle. L'article 8 de la Convention se lit comme suit :
Article 8
- ‘ 1.
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
- 2.
Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ’
A. Thèses des parties
1. Le Gouvernement
22.
Le Gouvernement présente ses observations principalement sous l'angle de l'article 8 de la Convention, auxquelles il renvoie s'agissant des griefs soulevés au regard des autres dispositions conventionnelles.
A titre principal, le Gouvernement soulève une exception tirée du défaut d'épuisement des voies de recours internes. Tout d'abord, le Gouvernement estime que le requérant n'a jamais invoqué devant les juridictions internes, au moins en substance, les violations de la Convention qu'il allègue devant la Cour. Par ailleurs, il considère que les conseils du requérant ont commis de grossières erreurs de procédure : d'une part, s'agissant des deux recours contre le refus du juge d'instruction de restituer les objets saisis, il indique qu'en présentant leurs requêtes contre ces ordonnances au greffe de la cour d'appel, et non du tribunal de grande instance comme le prévoit l'article 99 du code de procédure pénale, l'irrecevabilité était prévisible et ne saurait engager la responsabilité de l'Etat ; d'autre part, le Gouvernement considère que si le pourvoi en cassation n'était pas possible contre les décisions statuant sur la demande de nullité de la perquisition ou contre celle du juge des libertés et de la détention (JLD), un principe ancien, posé par une jurisprudence de la Cour de cassation visée dans une note rédigée sous l'article 567-1 du code de procédure pénale des éditions Dalloz, permet, même lorsqu'un texte exprès dispose qu'une décision n'est pas susceptible de pourvoi en cassation, de former un pourvoi en cassation en cas d'excès de pouvoir ou si la décision ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale. Enfin, le Gouvernement reproche au requérant de s'être abstenu d'engager une action en réparation pour fonctionnement défectueux de la justice sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire (Turcon c. France (déc.), no 34514/02, 30 janvier 2007).
23.
Sur le fond, subsidiairement, le Gouvernement reconnaît que le droit communautaire a étendu à la profession d'avocat le principe de la libre prestation de service. Néanmoins, l'exercice de la profession d'avocat ne peut s'exercer que dans le cadre d'un ordre professionnel et requiert une inscription auprès de l'autorité compétente de l'Etat membre. Tant la loi (article 93-1 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, modifié par le décret no 2004-1123 du 14 octobre 2004) que la jurisprudence françaises prévoient une telle inscription, sur une liste spéciale du tableau de l'ordre des avocats concerné, assortie d'une prestation de serment. Or, le Gouvernement note que le requérant ne justifie ni de son inscription auprès d'un barreau français ni d'une quelconque activité en France : il ne relevait donc pas du régime prévu pour les cabinets ou le domicile des avocats par l'article 56-1 du code de procédure pénale.
24.
S'agissant de l'article 8 de la Convention, le Gouvernement ne conteste pas le fait que l'objet du grief tombe dans son champ d'application, mais il estime que cette ingérence était prévue par la loi et poursuivait un but légitime : les articles 92 et 94 du code de procédure pénale permettaient au juge d'instruction d'ordonner la perquisition, et ce aux fins de recherche de preuves et de prévention d'infractions pénales. Il estime que l'ingérence était en outre nécessaire et proportionnée au but recherché, le requérant étant domicilié au château visé par la perquisition, lieu de domiciliation des dirigeants de l'association visée par l'instruction. Le Gouvernement estime dès lors que l'article 8 n'a pas été violé, et que le requérant, qui était dans une situation identique à tout avocat ayant obtenu son diplôme dans un autre Etat membre, disposait de recours effectifs.
2. Le requérant
25.
Le requérant conteste l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement. Il expose tout d'abord avoir invoqué en substance les dispositions de la Convention devant les juges nationaux en réclamant le bénéfice de la protection prévu par l'article 56-1 du code de procédure pénale, liée au statut d'avocat, auxquelles les violations qu'il allègue sont consubstantielles, rappelant que l'article 35 § 1 de la Convention doit s'appliquer avec souplesse et sans formalisme excessif.
26.
Par ailleurs, il estime qu'il a exercé les seuls recours disponibles mais qu'ils se sont révélés inefficaces et insuffisants. S'agissant des demandes de restitution présentées au juge d'instruction, il relève qu'elles ne permettaient pas de contester la régularité de la perquisition et des actes y afférents, seul objet de la présente requête qui ne porte pas sur la possibilité qui lui était ouverte de solliciter la restitution des objets saisis. Concernant l'absence de pourvoi en cassation contre les décisions du JLD et de la chambre de l'instruction, le requérant constate que le principe invoqué par le Gouvernement, fondé sur une jurisprudence visée en note sous l'article 567-1 du code de procédure pénale, ne permet pas de parler de recours suffisant et efficace eu égard au caractère extrêmement limité des cas d'ouverture : or, en l'espèce, le président de la chambre de l'instruction a relevé que la requête du requérant était irrecevable au motif que celui-ci n'était ni partie à la procédure, ni témoin assisté, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, ce qui écartait toute possibilité d'invoquer un excès de pouvoir pour voir prospérer un pourvoi qui n'est pas ouvert en droit français contre une telle décision ; quant au JLD, il a expressément relevé que la loi réservait le contentieux de la régularité de la procédure à la compétence exclusive de la chambre de l'instruction : un pourvoi en cassation était donc voué à l'échec.
27.
Quant à l'absence de recours en responsabilité contre l'Etat, le requérant l'estime inaccessible, inefficace et insuffisant, puisqu'il ne pouvait entraîner l'annulation de la perquisition : or la nullité de cette dernière est une condition préalable nécessaire à toute poursuite à l'encontre des auteurs de l'atteinte à son domicile, et ce en application de l'article 6-1 du code pénal, ce qu'a confirmé la Cour de cassation en 2001. Quant à la décision dans l'affaire Turcon c. France, le requérant indique qu'il s'agissait d'une situation différente : Me Turcon était un avocat français inscrit en France, la perquisition était intervenue conformément à la loi en présence du bâtonnier et une procédure annexe sur le dysfonctionnement du service public de la justice avait été introduite par l'Ordre des avocats de Paris et d'autres organismes professionnels, procédure dont l'intéressé avait eu connaissance et terminée par un jugement non frappé d'appel.
28.
Sur le fond, le requérant estime que le Gouvernement tente d'induire la Cour en erreur en confondant l'activité permanente et l'exercice temporaire ou occasionnel de l'activité d'avocat en France. S'il est exact que l'activité permanente est subordonnée à une inscription auprès d'un barreau, il n'en est rien de l'exercice occasionnel. Au décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, le décret no 2004-1123 du 14 octobre 2004 a ajouté un titre V qui distingue l'activité permanente de l'activité occasionnelle : le requérant indique s'être conformé aux règles prévues en la matière en justifiant de sa qualité d'avocat et d'un domicile en France. Il relève que le procès-verbal de police mentionnait, lorsqu'il a été requis comme témoin, sa qualité d'avocat : le juge d'instruction devait donc alerter le bâtonnier, lequel avait été prévenu et se tenait à sa disposition. Il relevait donc bien de l'article 56-1 du code de procédure pénale.
29.
Concernant l'article 8, le requérant indique que la perquisition n'a pas été accompagnée de garanties spéciales de procédure (Niemietz c. Allemagne, 16 décembre 1992, § 37, série A no 251-B), et estime qu'elle ne visait pas la recherche d'une personne en fuite sous mandat d'arrêt international comme dans l'affaire Turcon. Il estime donc avoir fait l'objet d'une violation de l'article 8 en raison de sa qualité d'avocat étranger et n'avoir pas bénéficié de recours effectifs.
B. Appréciation de la Cour
1. Sur la recevabilité
30.
La Cour constate que l'exception de non-épuisement des voies de recours internes avancée par le Gouvernement est très étroitement liée à la substance des griefs énoncés par le requérant, de sorte qu'il y a lieu de joindre l'exception au fond.
31.
Estimant par ailleurs que cette partie de la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
2. Sur le fond
32.
La Cour constate d'emblée que le Gouvernement ne conteste pas que la perquisition litigieuse entre bien dans le champ d'application de l'article 8 de la Convention et qu'elle constitue une ingérence de l'Etat dans le droit au respect de la vie privée et du domicile du requérant.
33.
La Cour observe par ailleurs que l'ingérence avait une base légale et qu'elle poursuivait un but légitime, à savoir la prévention des infractions pénales.
34.
Quant à la question de la ‘ nécessité ’ de cette ingérence, la Cour rappelle que ‘ les exceptions que ménage le paragraphe 2 de l'article 8 appellent une interprétation étroite et [que] leur nécessité dans un cas donné doit se trouver établie de manière convaincante ’ (Crémieux c. France, arrêt du 25 février 1993, série A no 256-B, p. 62, § 38, et Roemen et Schmit c. Luxembourg, no 51772/99, § 68, CEDH 2003-IV). La Cour rappelle également qu'elle doit se convaincre de l'existence de garanties adéquates et suffisantes contre les abus (voir, parmi beaucoup d'autres, Funke, Crémieux et Miailhe c. France, 25 février 1993, respectivement §§ 56, 39 et 37, série A no 256-A, B et C, ainsi que, mutatis mutandis, Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978, §§ 50, 54 et 55, série A no 28, Lambert c. France du 24 août 1998, § 31, Recueil des arrêts et décision 1998-V, et Matheron c. France, no 57752/00, § 35, 29 mars 2005).
35.
En l'espèce, les parties s'opposent sur la question de savoir si la perquisition litigieuse est intervenue au domicile du requérant en sa qualité d'avocat ou de simple particulier. Il appartient donc à la Cour de trancher préalablement cette question.
36.
En effet, la Cour rappelle que des perquisitions et des saisies chez un avocat sont susceptibles de porter atteinte au secret professionnel, qui est la base de la relation de confiance qui existe entre son client et lui (André et autre c. France, no 18603/03, § 41, 2008-…).
37.
Partant, si le droit interne peut prévoir la possibilité de perquisitions ou de visites domiciliaires dans le cabinet d'un avocat, celles-ci doivent impérativement être assorties de ‘ garanties spéciales de procédure ’ (voir, notamment, Niemietz, précité, § 37, Roemen et Schmit, précité, § 69, et André, précité, § 42). De même, la Convention n'interdit pas d'imposer aux avocats un certain nombre d'obligations susceptibles de concerner les relations avec leurs clients. Il en va ainsi notamment en cas de constat de l'existence d'indices plausibles de participation d'un avocat à une infraction, ou encore dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques, mais il est alors impératif d'encadrer strictement de telles mesures, les avocats occupant une situation centrale dans l'administration de la justice et leur qualité d'intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d'auxiliaires de justice (André, précité).
38.
Dans les circonstances de l'espèce, la Cour n'est pas convaincue par les arguments du Gouvernement. Elle relève en effet que les dispositions du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, modifié par le décret no 2004-1123 du 14 octobre 2004 (paragraphe 20 ci-dessus) permettent aux avocats ressortissants de l'un des Etats membres de la Communauté européenne de venir accomplir à titre permanent ou occasionnel, sous leur titre professionnel d'origine, leur activité professionnelle en France (article 200). Ceux qui décident de l'exercer à titre occasionnel relèvent de ‘ la libre prestation de services ’. L'article 202 du décret leur impose uniquement de faire usage de l'un des titres mentionnés à l'article 201, exprimé dans la ou l'une des langues de l'Etat où ils sont établis, accompagné du nom de l'organisme professionnel dont ils relèvent ou de celui de la juridiction auprès de laquelle ils sont habilités à exercer en application de la législation de cet Etat, à charge pour l'avocat de justifier de sa qualité vis-à-vis de l'autorité devant laquelle il se présente lorsqu'il assure une prestation de service.
39.
Ainsi, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, l'avocat exerçant à titre occasionnel n'est donc pas tenu de s'inscrire auprès d'un barreau national, à la différence d'un avocat exerçant à titre permanent.
40.
La Cour constate par ailleurs que, dès le début de la perquisition, le requérant a été requis comme témoin et sa qualité d'avocat était connue, ce qui ressort expressément du procès-verbal rédigé par l'officier de police judiciaire pendant la perquisition. Il ressort également de ce procès-verbal qu'une fois dans l'appartement du requérant, ce dernier a expressément décliné sa qualité d'avocat au barreau de Porto, a présenté une carte de visite rédigée en langue portugaise, ainsi que d'autres documents attestant de sa qualité et du fait qu'il louait les lieux — ce que le Gouvernement ne conteste pas — et s'est opposé à la perquisition. Il apparaît également qu'il a été interrogé sur son inscription à un barreau français et que, ne l'étant pas, la perquisition s'est poursuivie malgré son opposition. La Cour constate en outre que, dans une lettre officielle, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Chartres a confirmé qu'il avait été contacté par l'avocat du requérant à deux reprises le 15 juin 2005 au sujet de la perquisition, tout en se plaignant de n'avoir pas été officiellement avisé de cette perquisition, et ce ‘ contrairement à l'article 56-1 du code de procédure pénale ’. La Cour note que le Gouvernement ne conteste d'ailleurs pas non plus les allégations du requérant selon lesquelles il a vainement alerté les juges de ce que le bâtonnier se tenait à leur disposition.
41.
En conséquence, la Cour relève que le requérant, alors qu'il remplissait les conditions prévues par le droit interne pour exercer librement la profession d'avocat en France à titre occasionnel et faire usage de son titre, n'a pas été mis en mesure de bénéficier des dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale auxquelles il pouvait pourtant prétendre. La Cour constate en effet que les dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale ne distinguent pas entre les avocats selon qu'ils exercent leur activité à titre principal ou occasionnel. Par ailleurs, aux yeux de la Cour, une telle distinction ne se justifie pas davantage au regard de l'article 8 de la Convention : dès lors que les perquisitions ou les visites domiciliaires visent le domicile ou le cabinet d'un avocat exerçant régulièrement sa profession, à titre principal en qualité d'avocat inscrit à un barreau ou à titre occasionnel dans un autre Etat membre de l'Union européenne, elles doivent impérativement être assorties de ‘ garanties spéciales de procédure ’ (paragraphe 37 ci-dessus), ce qui est notamment le cas lorsqu'elles sont exécutées en présence du bâtonnier de l'Ordre des avocats (Roemen et Schmit, précité, § 69, et André, précité, § 43).
42.
De l'avis de la Cour, à supposer même que les juges aient pu avoir un doute sur sa qualité d'avocat, l'ensemble des circonstances de la cause devait, à tout le moins, les conduire à une certaine prudence et les inciter à contrôler sans délai ses allégations, et ce avant de procéder à la perquisition et aux saisies dans son domicile. Tel n'a cependant pas été le cas en l'espèce.
43.
Outre le fait que le requérant n'a donc pas bénéficié d'une ‘ garantie spéciale de procédure ’ dont doivent bénéficier les avocats, la Cour constate que la perquisition litigieuse concernait des faits totalement étrangers au requérant, ce dernier n'ayant à aucun moment été accusé ou soupçonné d'avoir commis une infraction ou participé à une fraude quelconque en lien avec l'instruction.
44.
En outre, la Cour doit rechercher si M. Xavier Da Silveira a disposé d'un ‘ contrôle efficace ’ pour contester la perquisition et les saisies dont il a fait l'objet (voir notamment, mutatis mutandis, Klass et autres, précité, §§ 50, 54 et 55, et Matheron c. France, précité, § 35 et 43).
45.
La Cour relève tout d'abord que si le requérant n'a pas expressément soulevé la violation de la Convention devant les juridictions internes, il n'a eu de cesse d'invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale, qui vise précisément à assurer une protection particulière au cabinet et au domicile d'un avocat ainsi qu'à ses biens, protection dont la Cour a rappelé l'importance à plusieurs reprises dans ses arrêts (Niemietz, précité, § 37, Roemen et Schmit, précité, § 69–72, et André et autre, précité, § 42). Dans ces conditions, et compte tenu de ce que les avocats occupent une situation centrale dans l'administration de la justice et leur qualité d'intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d'auxiliaires de justice (André, précité), la Cour estime que le droit au respect du domicile du requérant était en cause, fût-ce de façon sous-jacente et que les arguments juridiques avancés par le requérant devant les juridictions internes contenaient bien une doléance liée à l'article 8 de la Convention (cf., mutatis mutandis, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 39, CEDH 1999-I)
46.
S'agissant du recours exercé devant le JLD, en vue de faire constater l'illégalité de la perquisition et obtenir restitution des objets saisis et destruction des procès-verbaux de perquisition, la Cour relève que cette procédure a pour but de trancher les contestations élevées uniquement par le bâtonnier ou son représentant à l'occasion de la saisie de documents dans le cadre de la perquisition du cabinet ou du domicile d'un avocat. Or le litige en cause porte précisément sur l'absence du bâtonnier ou de son représentant lors de la perquisition au domicile du requérant : partant, un pourvoi en cassation était voué à l'échec. Quant au recours devant le président de la chambre de l'instruction, la Cour note que le requérant n'avait pas davantage la qualité requise par la loi, n'étant, comme l'a relevé le magistrat, ni partie à la procédure ni témoin assisté. En conséquence, cet autre recours ne saurait être qualifié d'efficace, outre le fait que le pourvoi en cassation n'était légalement pas ouvert au requérant, compte tenu des dispositions expresses de l'article 567-1 du code de procédure pénale, aux termes desquelles le président de la chambre criminelle déclare non admis un pourvoi formé contre une décision non susceptible de recours. Le principe jurisprudentiel invoqué par le Gouvernement, à supposer qu'il soit de nature à remettre en cause une disposition légale expresse, concerne en tout état de cause des situations étrangères à la présente espèce, dès lors qu'il apparaît que les magistrats se sont ici strictement conformés aux dispositions de droit interne pour écarter les recours du requérant qui ne remplissait pas les conditions légales.
47.
Certes, le Gouvernement considère que le requérant aurait pu introduire une action en responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire.
48.
La Cour constate cependant que le requérant s'est vu refuser non seulement la qualité d'avocat susceptible de lui faire bénéficier des dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale, mais aussi, de par l'effet des dispositions de droit interne applicables, toute autre qualité que celle de tiers à l'information judiciaire. Dans ces conditions, il apparaît que le requérant n'avait pas qualité en droit français pour invoquer utilement ses griefs dans le cadre des procédures internes, ce qui rendait nécessairement par trop aléatoire une action fondée sur l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire. De plus, un recours devant le juge judiciaire pour une mise en cause de la responsabilité de l'Etat, de nature indemnitaire, se distingue clairement d'une action en nullité avec laquelle elle ne saurait se confondre et, partant, il n'aurait pas été de nature à permettre l'annulation de la perquisition litigieuse recherchée par le requérant, de sorte que l'on ne peut y voir un ‘ contrôle efficace ’ au sens de l'article 8.
49.
Dès lors, la Cour estime que l'ingérence litigieuse était, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée par rapport au but visé, et que l'intéressé n'a pas bénéficié d'un ‘ contrôle efficace ’ tel que voulu par la prééminence du droit et apte à limiter l'ingérence à ce qui était ‘ nécessaire dans une société démocratique ’.
50.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère enfin que nulle question distincte ne se pose sur le terrain des autres dispositions soulevées par le requérant, les griefs y afférents se confondant avec le grief tiré de l'article 8 de la Convention.
51.
Partant, la Cour conclut au rejet de l'exception tirée du défaut d'épuisement des voies de recours internes et à la violation de l'article 8 de la Convention.
II. Sur l'application de l'article 41 de la Convention
52.
Aux termes de l'article 41 de la Convention,
‘ Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. ’
A. Dommage
53.
Le requérant demande un euro (EUR) symbolique pour chacune des violations alléguées au titre du préjudice moral qu'il aurait subi.
54.
Le Gouvernement estime qu'en cas de constat de violation de la Convention, celui-ci constituerait une satisfaction équitable suffisante.
55.
La Cour estime que le dommage moral subi par le requérant se trouve suffisamment réparé par le constat de violation de l'article 8 de la Convention.
B. Frais et dépens
56.
Le requérant demande également 5 980 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
57.
Le Gouvernement estime que le requérant ne justifie pas du versement d'une quelconque somme. Il estime qu'un montant de 1 500 euros serait équitable.
58.
Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce, compte tenu des critères susmentionnés et des documents en sa possession, à savoir une note d'honoraires produite par le conseil du requérant et indiquant de manière détaillée son intervention dans le cadre de la présente requête, note en date du 16 septembre 2008 et d'un montant de 5 980 EUR, la Cour estime raisonnable cette somme au titre des frais et dépens pour la procédure devant la Cour et l'accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
59.
La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
1.
Déclare la requête recevable ;
2.
Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;
3.
Dit que le constat de violation de l'article 8 constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;
4.
Dit
- a)
que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 5 980 EUR(cinq mille neuf cent quatre-vingts euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par le requérant ;
- b)
qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.
Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 janvier 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia Westerdiek
Greffière
Peer Lorenzen
Président