EHRM, 18-05-2010, nr. 16021/02
ECLI:NL:XX:2010:BN1632
- Instantie
Europees Hof voor de Rechten van de Mens
- Datum
18-05-2010
- Magistraten
Françoise Tulkens, Ireneu Cabral Barreto, Vladimiro Zagrebelsky, Danutė Jočienė, Dragoljub Popović, Işıl Karakaş, Kristina Pardalos
- Zaaknummer
16021/02
- LJN
BN1632
- Vakgebied(en)
Internationaal publiekrecht (V)
Bestuursrecht algemeen / Overheid en privaatrecht
Bestuursprocesrecht (V)
- Brondocumenten en formele relaties
ECLI:NL:XX:2010:BN1632, Uitspraak, Europees Hof voor de Rechten van de Mens, 18‑05‑2010
Uitspraak 18‑05‑2010
Françoise Tulkens, Ireneu Cabral Barreto, Vladimiro Zagrebelsky, Danutė Jočienė, Dragoljub Popović, Işıl Karakaş, Kristina Pardalos
Partij(en)
ARRÊT
(fond)
STRASBOURG
18 mai 2010
En l'affaire Plalam S.P.A. c. Italie,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
Işıl Karakaş,
Kristina Pardalos, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 avril 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
Procédure
1.
A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 16021/02) dirigée contre la République italienne et dont une société anonyme de cet Etat, la Plalam S.P.A. (‘ la requérante ’), a saisi la Cour le 27 mars 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (‘ la Convention ’).
2.
La requérante est représenté par Mes A. Bozzi, C. Chiaffarelli et M.R. Gatti, avocats à Milan. Le gouvernement italien (‘ le Gouvernement ’) est représenté par son agente, Mme E. Spatafora, et par son co-agent, M. F. Crisafulli.
3.
La requérante alléguait que l'application, à son détriment, d'une loi en matière de financement public de projets industriels avait violé son droit au respect de ses biens.
4.
Par une décision du 12 juin 2007, la Cour a déclaré la requête recevable.
5.
Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).
En fait
I. Les circonstances de l'espèce
6.
La requérante est une personne morale ayant son siège à Ascoli Piceno. Elle est spécialisée dans la fabrication de produits manufacturés.
7.
Le 12 septembre 1985, la requérante introduisit devant la ‘ Caisse du midi ’ (Cassa per il mezzogiorno, ci-après, ‘ la caisse ’), devenue par la suite ‘ l'Agence pour la promotion et le développement de l'Italie du Sud ’ (ci-après, ‘ l'agence ’), une demande de financement au sens de la loi no 183 de 1976 et du décret présidentiel no 902 de 1976. Elle faisait valoir qu'elle avait l'intention d'agrandir un établissement industriel sis à Ascoli Piceno, en investissant la somme totale de 7 048 000 000 de lires italiennes (ITL — environ 3 639 988 euros (EUR)).
8.
Les dispositions citées ci-dessus prévoyaient que les entreprises exerçant leur activité dans le Sud de l'Italie pouvaient obtenir des subventions publiques dont le montant était calculé proportionnellement au montant des investissements réalisés. Ces subventions pouvaient être revues à la hausse au cas où l'entreprise concernée déciderait d'augmenter le montant des investissements en cours de travaux.
9.
Dans un courrier du 18 mars 1987, l'agence informa la requérante que par une décision du 26 février 1987 son comité de gestion avait approuvé ‘ de manière provisoire ’ (in via provvisoria) l'octroi de subventions par rapport à son projet industriel. La décision formelle d'octroi étayant les conditions spécifiques auxquelles elle était soumise était en cours de transmission.
10.
Par un arrêté du 25 mars 1987, l'agence accueillit la demande de la requérante et reconnut son droit à un financement de 1 862 260 000 ITL (environ 961 777 EUR) à titre de contribution directe (contributo in conto capitale) et de 1 779 000 000 ITL (environ 918 776 EUR) à titre de contribution sur les intérêts (contributo in conto interessi), sous la condition du bon fonctionnement de l'établissement industriel une fois les travaux terminés.
11.
Le 19 février 1988, lorsque les travaux étaient en cours, la requérante demanda à l'agence une révision à la hausse de la subvention, compte tenu du fait qu'elle avait augmenté son investissement, le portant de 7 048 000 000 ITL (environ 3 639 988 EUR) à 10 258 000 000 ITL (environ 5 297 814 EUR).
12.
Par une note du 21 février 1989, l'agence observa que l'augmentation de l'investissement n'entraînait pas d'augmentation de la capacité de production de l'établissement industriel ou de son personnel. Dès lors, ce changement s'analysait en un perfectionnement du projet pour lequel, aux termes de la législation en vigueur, l'agence ‘ pouvait octroyer ’ à la requérante une augmentation proportionnelle des subventions.
13.
Il ressort du dossier que les travaux se terminèrent le 30 juin 1990 et que l'établissement industriel entama son activité de production à plein régime le 15 décembre 1990.
14.
Le 19 juin 1992, le président de la commission chargée de contrôler le bon fonctionnement de l'établissement industriel (ci-après, ‘ la commission ’) informa l'agence qu'il ne pouvait pas accepter le mandat qui lui avait été conféré. Le 6 décembre 1992, l'agence remplaça le président de la commission. Cependant, le 26 mai 1993 le nouveau président informa l'agence et la requérante qu'il était dans l'impossibilité de remplir ses fonctions. Le 12 janvier 1994, la requérante sollicita le ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (Ministro dell'industria, del commercio e dell'artigianato, ci-après, ‘ le ministre de l'Industrie ’) afin qu'il nomme un nouveau président de la commission, ce que le ministre fit le 26 avril 1994. Le 28 juillet 1994, la commission procéda à une vérification (collaudo). Par une note du 13 octobre 1994, elle certifia le fonctionnement régulier de l'établissement de la requérante et la correspondance entre le coût des travaux effectués et les documents produits par l'intéressée. La commission indiqua en outre la capacité de production de l'établissement ainsi que le nombre d'employés y travaillant. Elle conclut que ‘ l'entreprise a[vait] rempli toutes les obligations prescrites par la loi ’ et que les contrôles avaient eu un ‘ résultat positif ’.
15.
La commission constata en outre que l'investissement global fait par la requérante s'élevait à 12 781 200 000 ITL (environ 6 600 938 EUR). Toutefois, elle estima que la subvention à verser ne pouvait être calculée que proportionnellement à l'investissement initialement prévu, et ceci en application du décret-loi no 415 du 22 octobre 1992, converti en la loi no 488 du 19 décembre 1992, qui avait entre-temps modifié la législation en matière de financement des investissements dans le Sud de l'Italie. Cette nouvelle législation prévoyait que les subventions devaient être impérativement calculées sur la base du montant de l'investissement planifié par l'entreprise, sans possibilité d'ajustement en cas d'augmentation de l'investissement en cours de travaux. Dès lors, la commission recommanda au ministre de l'Industrie de ne pas prendre en compte le fait que la requérante avait déboursé 5 733 200 000 ITL (environ 2 960 950 EUR) de plus par rapport à l'investissement initialement annoncé.
16.
Par un arrêté du 28 juin 1995, le ministre de l'Industrie octroya définitivement à la requérante la somme de 1 862 260 000 ITL à titre de subvention directe et de 1 779 000 000 ITL à titre de contribution sur les intérêts. Cette décision s'appuyant sur la note de la commission du 13 octobre 1994 (paragraphes 14 et 15 ci-dessus), les montants octroyés furent calculés sur la base de l'investissement initialement prévu. En conséquence de l'application de la loi no 488 de 1992, l'augmentation de l'investissement en cours de travaux ne donna lieu à aucune augmentation du montant du financement.
17.
Par un recours notifié le 13 octobre 1995, la requérante introduisit devant le tribunal administratif régional (ci-après, ‘ le TAR ’) du Latium une action visant à obtenir l'annulation de l'arrêté ministériel du 28 juin 1995 et de la note de la Commission du 13 octobre 1994.
18.
Par une décision déposée au greffe le 4 août 1997, le TAR rejeta le recours de la requérante. Il estima que la loi no 488 de 1992 était la législation applicable en l'espèce ; en effet, la vérification du bon fonctionnement de l'entreprise avait eu lieu après l'entrée en vigueur de la nouvelle législation. Il s'ensuivait que la requérante n'avait pas droit à un montant de subventions plus élevé.
19.
La requérante interjeta appel devant le Conseil d'Etat.
20.
Par un arrêt déposé au greffe le 18 octobre 2001, le Conseil d'Etat rejeta l'appel de la requérante, confirmant l'applicabilité de la loi no 488 de 1992 au cas d'espèce. Il affirma entre autres que le retard de l'administration dans la vérification du fonctionnement de l'établissement et dans l'examen du dossier de la requérante ne pouvait avoir aucune influence sur le choix de la loi applicable en l'espèce.
II. Le droit interne pertinent
21.
A l'époque des faits, les procédures pour l'octroi des financements prévus par la loi no 183 de 1976 et par le décret présidentiel no 902 de 1976 (paragraphe 7 ci-dessus) étaient décrites dans le décret du ministre pour les Interventions extraordinaires dans le Midi du 28 juin 1979 (publié au journal officiel no 186 du 9 juillet 1979) et dans le décret présidentiel no 218 du 6 mars 1978 intitulé ‘ Texte unique sur les lois sur les interventions dans le Midi ’). Dans leurs parties pertinentes, ces textes se lisent comme suit :
Article 8 § 7 du décret ministériel du 28 juin 1979
‘ Pour les variations de dépenses, intervenues au cours de la réalisation du projet, y compris celles qui résultent d'un perfectionnement de celui-ci, contenues dans la limite de 20% de l'investissement fixe et qui n'entraînent pas de modifications substantielles du projet, la caisse procède, compte tenu du rapport d'instruction ad hoc de l'institut de financement, à la péréquation nécessaire du montant des investissements fixes et des subventions y afférentes une fois les travaux terminés, étant entendu que les instituts et la caisse procèdent au versement des subventions par tranches d'avancement [des travaux] dans [le respect de] la limite globale des dépenses approuvées. Lorsque de telles variations dépassent la limite de 20% de l'investissement fixe, elles doivent être communiquées par l'institut de financement chargé de l'instruction, au moyen d'un rapport ad hoc, au ministre pour les Interventions extraordinaires dans le Midi et à la caisse afin qu'ils procèdent à la mise à jour de l'avis de conformité et/ou de la décision d'octroi des subventions. ’
Article 12 §§ 1 et 2 du décret ministériel du 28 juin 1979
- ‘ 1.
Le versement du solde du prêt à taux réduit pourra être effectué par l'institut de financement une fois les travaux terminés.
- 2.
Aux fins du versement du solde de la contribution directe, la caisse pour le Midi doit procéder, après le début de la production, à une vérification ad hoc (…) pour contrôler la fonctionnalité de l'établissement, la correspondance entre les documents concernant les dépenses et le projet approuvé, la capacité de production de l'établissement, sa production effective, le nombre de ses employés, le respect des dispositions contre la pollution ainsi que toute autre disposition ou règle [prévue par] la loi. ’
Article 13 du décret ministériel du 28 juin 1979
‘ Dans un délai de six mois à partir du dépôt des documents relatifs à l'achèvement des travaux, la caisse pour le Midi procède, sur la base des résultats de la vérification mentionnée à l'article 12, au versement du solde, dont elle donne avis au ministre pour le Midi. ’
Article 72 § 6 du décret présidentiel no 218 de 1978
‘ La position prise dans l'avis de conformité [émis par le ministre pour le Midi sur la base des vérifications faites par la caisse] est contraignante pour la caisse, pour les organes connexes et pour toute administration intéressée. ’
Article 73 § 3 du décret présidentiel no 218 de 1978
‘ Dans un délai de six mois à compter du dépôt des documents relatifs à l'achèvement des travaux, il et procédé, sur la base d'une vérification, au versement du solde. ’
Article 75 § 1 du décret présidentiel no 218 de 1978
‘ L'avis de conformité mentionné à 72 constitue le titre pour la jouissance de l'ensemble des subventions prévues par le présent Texte unique en faveur des initiatives qui sont réalisées dans les territoires indiqués à 1. ’
En droit
I. Sur la violation alléguée de 1 du protocole No 1
22.
La requérante se plaint de l'application à son cas de la loi no 488 de 1992. Elle invoque 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
‘ Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ’
A. Arguments des parties
1. La requérante
23.
La requérante fait valoir qu'au moment de l'introduction de sa demande d'augmentation des subventions, la législation en vigueur lui conférait un droit à l'obtenir. Dès lors, et à la lumière des principes dégagés par la Cour dans l'affaire Ambruosi c. Italie (no 31227/96, 19 octobre 2000), elle soutient que cette augmentation doit être considérée comme un ‘ bien ’ au sens de l'article 1 du Protocole no 1.
24.
Or, la loi no 488 de 1992 a été à tort appliquée de manière rétroactive, c'est-à-dire à des demandes qui, comme celle de la requérante, avaient été formulées avant son entrée en vigueur. L'intéressée affirme que, le 21 février 1989, l'agence avait donné son aval au plan visant à perfectionner le projet industriel litigieux (paragraphe 12 ci-dessus). Ainsi, elle a reconnu qu'il s'agissait d'un ‘ perfectionnement ’ du projet initial et non d'un nouveau projet (qui aurait impliqué une augmentation de la capacité de production ou du nombre d'employés, et qui aurait dû être soumis à une nouvelle procédure d'approbation). De plus, les travaux avaient été terminés le 30 juin 1990 (paragraphe 13 ci-dessus).
25.
Dans le cadre de la procédure pour l'octroi des subventions, les autorités administratives ne jouiraient d'aucun pouvoir discrétionnaire d'appréciation. En effet, une telle procédure, minutieusement décrite par la loi, se fonderait uniquement sur les critères objectifs fixés par celle-ci et, après la décision d'octroyer les subventions, l'entreprise demanderesse aurait un véritable ‘ droit subjectif ’ (diritto soggettivo) vis-à-vis l'agence, sous réserve de la réalisation des œuvres programmées. La requérante s'appuie sur la jurisprudence en ce sens de la sixième section du Conseil d'Etat (arrêt no 3470 du 16 avril 2002) et des sections réunies de la Cour de cassation (arrêts nos 3600 du 28 mai 1986, 4480 du 7 juillet 1988, 8585 du 5 septembre 1997 et 225 du 25 mai 2001). Dans le cadre des interventions pour encourager le développement du Sud de l'Italie, une marge de pouvoir discrétionnaire existerait uniquement au moment de la fixation des objectifs de la politique industrielle, des programmes y relatifs et des critères à remplir pour bénéficier des subventions. L'agence avait pour seule mission de vérifier si les projets industriels des particuliers correspondaient aux critères et directives fixés par le législateur. La décision d'octroyer les subventions avait été qualifiée de ‘ provisoire ’ (paragraphe 9 ci-dessus) seulement en ce qu'elle se basait sur une estimation du montant de l'investissement.
26.
La requérante en déduit qu'elle avait une créance certaine et exigible, à travers son droit à l'augmentation proportionnelle de la subvention, et estime que la suppression de cette créance s'analyse en une violation de l'article 1 du Protocole no 1.
27.
Par ailleurs, l'administration est responsable du retard dans la vérification du bon fonctionnement de l'établissement industriel ; le Gouvernement lui-même admet que le contrôle de l'établissement a été retardé dans l'attente de l'adoption du décret-loi no 415 de 1992 (paragraphe 33 ci-dessus). Quant à la possibilité de solliciter les autorités administratives afin d'accélérer leurs démarches, la requérante fait valoir qu'elle ne pouvait pas prévoir l'entrée en vigueur de la nouvelle législation.
2. Le Gouvernement
28.
Le Gouvernement observe que dans sa note du 21 février 1989 (paragraphe 12 ci-dessus), l'agence avait soumis à certaines conditions la demande de la requérante d'obtenir une augmentation proportionnelle de la subvention. Cette note n'était qu'un simple acte de la procédure d'instruction du dossier, posé par le bureau chargé d'une première évaluation des pièces soumises par l'intéressée, qui ne préjugeait en rien l'issue de la demande.
29.
La subvention litigieuse ne saurait être considérée comme un ‘ bien ’ au sens de l'article 1 du Protocole no 1, car elle est octroyée à la suite d'une procédure au cours de laquelle les autorités administratives ont un pouvoir discrétionnaire d'appréciation. Le droit à l'obtenir ne naîtrait qu'au moment où la procédure prend fin dans le cas où toutes les conditions préalables sont réunies. En l'espèce, la requérante n'avait aucune espérance légitime quant à la subvention demandée ; elle ne constituait pas un bien présent, mais plutôt un bien futur, qui n'est pas protégé en tant que tel par l'article 1 du Protocole no 1.
30.
De plus, aucune décision, même provisoire, n'avait été prise par l'administration à l'égard de l'augmentation de la subvention. L'issue de la demande de la requérante dépendait également de la disponibilité des fonds que, d'année en année, l'Etat italien a mis à disposition pour le soutien aux initiatives industrielles (et donc d'une décision éminemment politique relative à la destination du budget de l'Etat).
31.
En tout état de cause, l'application de la loi no 488 de 1992 serait compatible avec le droit de la requérante au respect de ses biens. La nouvelle législation ne saurait être qualifiée de ‘ rétroactive ’, étant donné que le droit à l'obtention des subventions est né seulement à l'issue de la procédure. La loi litigieuse était d'application immédiate aux procédures en cours, mais elle n'avait aucune incidence sur l'octroi des subventions déjà accordées au moment de son entrée en vigueur. De plus, à supposer même que la loi no 488 de 1992 soit rétroactive, cela ne serait pas en soi contraire à la Convention. Par ailleurs, l'Etat avait des raisons impérieuses d'intervenir afin de limiter le poids que pouvait représenter pour les finances publiques une augmentation incontrôlée des subventions accordées aux entreprises.
32.
Pour ce qui est du retard dans la vérification du bon fonctionnement de l'établissement industriel, le Gouvernement fait valoir qu'en conséquence des travaux d'agrandissement de celui-ci, le dossier de la requérante n'est parvenu à l'agence qu'en juin 1992 et que le retard a été ensuite provoqué par un fait imprévu, à savoir le désistement du président de la commission (paragraphe 14 ci-dessus). En tout cas, cette vérification a mis en évidence que l'augmentation de l'investissement réalisé ne répondait pas aux conditions nécessaires à l'obtention des subventions. Entre le 3 juillet 1991 (date à laquelle le dossier complet est parvenu à l'agence) et le 22 octobre 1992 (date d'entrée en vigueur de la nouvelle législation), personne ne pouvait savoir avec certitude si et quand des nouvelles règles en matière de subventions seraient adoptées et quel serait leur contenu. Après l'entrée en vigueur de la nouvelle législation, toute accélération de la démarche administrative aurait été dépourvue d'effet utile pour la requérante.
33.
Il ressort d'une note du ministère des Activités productives du 26 janvier 2005 (no 1070616) qu'à l'époque où le président de la commission a déclaré qu'il ne pouvait pas accepter son mandat (juin 1992 — paragraphe 14 ci-dessus), l'agence avait connaissance de l'intention du législateur de limiter le financement des activités industrielles dans le Sud de l'Italie. Dès lors, les procédures concernant la subvention des dépenses supplémentaires furent de facto suspendues, dans l'attente des décisions du Gouvernement et du Parlement en la matière. Il s'ensuit que même si la commission s'était acquittée de sa tâche avec la diligence ‘ normale ’ (en règle générale, les rapports de vérifications sont déposés dans les six mois suivant l'attribution du mandat), le dossier de la requérante aurait de toute manière été examiné sur la base des nouvelles dispositions.
34.
La note du ministère des Activités productives précitée spécifie également que la demande d'augmentation de la requérante aurait dû être rejetée aussi pour d'autres raisons, indépendantes de l'entrée en vigueur de la loi no 488 de 1992. En particulier, contrairement à ce qui est indiqué dans la note de l'agence du 21 février 1989 (paragraphe 12 ci-dessus), la capacité de production de l'établissement avait augmenté de manière significative ; de plus, une augmentation d'environ 80% de l'investissement prévu ne constitue pas un perfectionnement du projet initial, mais une modification de celui-ci. Il s'ensuit que le temps écoulé pour les vérifications était totalement indifférent aux fins de l'issue de la démarche administrative.
B. Appréciation de la Cour
1. Sur la question de savoir si la requérante était titulaire d'un ‘ bien ’
35.
La Cour note que les parties ont des vues divergentes quant à la question de savoir si la requérante était ou non titulaire d'un bien susceptible d'être protégé par l'article 1 du Protocole no 1. Par conséquent, elle est appelée à déterminer si la situation juridique dans laquelle s'est trouvée la requérante est de nature à relever du champ d'application de cette disposition.
36.
S'agissant de la portée autonome de la notion de ‘ bien ’, la Cour se réfère à sa jurisprudence bien établie (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 1999-II, et Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, § 100, CEDH-2000-I). Elle rappelle, en particulier, que la notion en question peut recouvrir tant des ‘ biens actuels ’ que des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles un requérant peut prétendre avoir au moins une ‘ espérance légitime ’ d'obtenir la jouissance effective d'un droit de propriété (Kopecký c. Slovaquie [GC], no 44912/98, § 35, CEDH 2004-IX, et Association nationale des pupilles de la Nation c. France (déc.), no 22718/08, 6 octobre 2009).
37.
Il importe donc d'examiner, dans chaque affaire, si les circonstances, considérées dans leur ensemble, ont rendu la partie requérante titulaire d'un intérêt substantiel protégé par l'article 1 du Protocole no 1 (Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfi c. Turquie, nos 37639/03, 37655/03, 26736/04 et 42670/04, § 41, 3 mars 2009). Dans cette optique, la Cour estime qu'il y a lieu de tenir compte des éléments de droit et de fait suivants.
38.
Dans le cadre d'une politique visant à encourager les investissements productifs dans le Sud de l'Italie, l'Etat défendeur a prévu un système de financement des projets industriels qui satisfont à certaines conditions. La société requérante, entreprise fabricant des produits manufacturés, avait sollicité et obtenu de l'agence, ‘ de manière provisoire ’, l'octroi de subventions publiques, son projet ayant été considéré conforme aux exigences de la loi (paragraphe 9 ci-dessus). Dans ces circonstances, la Cour est d'avis que la requérante avait une ‘ espérance légitime ’ d'obtenir les subventions litigieuses, et était donc titulaire d'un ‘ bien ’ au sens de l'article 1 du Protocole no 1. Elle rappelle qu'aux termes des articles 72 § 6 et 75§ 1 du décret présidentiel no 218 de 1978 (paragraphe 21 ci-dessus), l'avis de conformité, que le ministre pour le Midi aurait dû émettre sur la base des vérifications faites par l'agence, était contraignant pour toute administration intéressée et valait ‘ titre pour la jouissance ’ des subventions destinées aux entreprises.
39.
Il reste cependant à vérifier si la requérante avait une telle espérance aussi par rapport à l'augmentation proportionnelle des subventions en conséquence des modifications qu'elle avait apportées au projet initialement approuvé.
40.
A cet égard, la Cour relève que l'article 8 § 7 du décret ministériel du 28 juin 1979 prévoit que si, au cours de la réalisation d'un projet industriel financé par l'agence, il s'avère que les coûts sont supérieurs à ceux initialement prévus, la subvention octroyée est revue à la hausse, à condition que les variations n'entraînent pas de modifications substantielles du projet (paragraphe 21 ci-dessus). Le 19 février 1988, la requérante a formulé une demande dans ce sens (paragraphe 11 ci-dessus) ; par une note du 21 février 1989, l'agence a reconnu que le changement s'analysait en un simple perfectionnement du projet pour lequel elle ‘ pouvait ’ octroyer une augmentation proportionnelle de la subvention.
41.
Aux yeux de la Cour, à condition de respecter les termes de son engagement tels que résultant de son projet industriel révisé, à partir de ce moment la requérante pouvait légitimement s'attendre à bénéficier de la hausse proportionnelle des subventions. Il convient aussi de noter que, comme il résulte de la vérification accomplie par la commission le 28 juillet 1994, il y avait correspondance entre le coût des travaux effectués (terminés le 30 juin 1990) et les documents produits par l'intéressée, qui avait satisfait à toutes les obligations prescrites par la loi (paragraphe 14 ci-dessus). Enfin, la Cour doit tenir compte du rôle de la requérante, une entreprise qui planifie l'étendue de ses projets industriels sur la base de la rentabilité de ces derniers, qui ne peut que dépendre, entre autres, de leur coût, dans le calcul duquel entrent également en compte les éventuels financements publics promis par les autorités.
42.
Par conséquent, eu égard à la législation interne pertinente, à la position prise par l'agence et à l'activité de la requérante, la Cour estime que, dès fin juin 1990, cette dernière pouvait légitimement croire avoir effectué tout ce qui était nécessaire pour bénéficier de l'augmentation qu'elle sollicitait. Cet intérêt patrimonial était suffisamment important pour constituer un intérêt substantiel, donc un ‘ bien ’ au sens de la norme exprimée dans la première phrase de l'article 1 du Protocole no 1, laquelle est par conséquent applicable en l'espèce (voir, mutatis mutandis, Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfi précité, § 50).
2. Sur le respect des exigences de l'article 1 du Protocole no 1
43.
L'intérêt substantiel mentionné ci-dessus a été frustré par l'entrée en vigueur d'une nouvelle législation (à savoir, le décret-loi no 415 du 22 octobre 1992, converti en la loi no 488 du 19 décembre 1992) prévoyant que les subventions devaient être impérativement calculées sur la base du montant de l'investissement planifié par l'entreprise, sans possibilité d'ajustement en cas d'augmentation de l'investissement en cours de travaux. A cet égard, la Cour relève que la décision du ministre de l'Industrie de calculer le montant des subventions sur la base de l'investissement initial se fondait sur la note de la commission du 13 octobre 1994, qui mentionnait expressément la nouvelle législation (paragraphes 14–16 ci-dessus). De plus, cette même législation a constitué la base juridique sur laquelle le TAR et le Conseil d'Etat se sont fondés pour rejeter le recours de la requérante (paragraphes 18–20 ci-dessus). Elle ne saurait donc souscrire à la thèse du Gouvernement selon laquelle la demande d'augmentation de la requérante se heurtait à d'autres motifs d'irrecevabilité (paragraphes 32 et 34 ci-dessus).
44.
Il ne fait aucun doute que ingérence de l'autorité publique dans la jouissance, par la requérante, de son droit au respect de ses biens avait une base légale en droit italien. Il reste à déterminer si elle a respecté les autres exigences de l'article 1 du Protocole no 1.
45.
A cet égard, la Cour rappelle que le second alinéa de cette disposition doit se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l'article. Il s'ensuit qu'une mesure d'ingérence doit ménager un ‘ juste équilibre ’ entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu (Tre Traktörer AB c. Suède, 7 juillet 1989, § 59, série A no159) et doit éviter d'imposer à la personne en cause une charge excessive ou exorbitante.
46.
La législation litigieuse poursuivait les buts légitimes de réduire les dépenses publiques et d'éviter une augmentation incontrôlée des subventions accordées aux entreprises. Le Gouvernement le souligne à juste titre (paragraphe 31 ci-dessus). Dans un domaine aussi complexe que la gestion du budget de l'Etat, toute décision implique normalement une appréciation des problèmes politiques, économiques et sociaux que la Convention laisse à la compétence des Etats parties, car les autorités internes sont manifestement mieux placées que la Cour pour apprécier ces problèmes. Les Etats disposent donc en la matière d'un large pouvoir d'appréciation.
47.
La Cour estime que la loi no 488 de 1992 s'inscrit dans cette marge d'appréciation de l'Etat, et que, par conséquent, elle ne saurait être considérée en tant que telle comme arbitraire. Il est vrai que, adoptée le 19 décembre 1992, elle a été appliquée au cas d'espèce bien qu'entrée en vigueur après l'émission de la note du 21 février 1989, par laquelle l'agence avait communiqué à la requérante qu'elle pouvait lui octroyer une augmentation proportionnelle de la subvention (paragraphe 12 ci-dessus), et après l'achèvement des travaux et la reprise de l'activité productive de l'établissement de la requérante (faits remontant, respectivement, au 30 juin et au 15 décembre 1990 — paragraphe 13 ci-dessus). Cependant, elle était déjà en vigueur le 28 juillet 1994, lorsque la commission a procédé au contrôle de l'établissement et le 28 juin 1995, lorsque le ministre de l'Industrie a octroyé définitivement à la requérante la subvention directe et la contribution sur les intérêts (paragraphes 14 et 16 ci-dessus). En tout état de cause, une éventuelle application rétroactive de la loi no 488 de 1992 au cas de la requérante n'aurait pas constitué per se une violation de l'article 1 du Protocole no 1, car cette disposition n'interdit pas, en tant que telle, l'application rétroactive d'une loi en matière de subventions publiques (voir, en matière fiscale, Di Belmonte c. Italie (no 1), no 72638/01, § 42, 16 mars 2010 ; voir également Di Belmonte c. Italie (no 2) (déc.), no 72665/01, 3 juin 2004, et M.A. et autres c. Finlande (déc.), no 27793/95, 10 juin 2003).
48.
La question qui se pose est celle de savoir si, dans les circonstances concrètes de l'affaire, l'application de la loi no 488 de 1992 a imposé à la requérante une charge excessive.
49.
A cet égard, la Cour observe d'abord qu'avant l'entrée en vigueur de la loi no 488 de 1992, les subventions octroyées aux entreprises investissant dans le Sud de l'Italie étaient revues à la hausse en cas d'augmentation de l'investissement en cours des travaux à condition que les modifications apportées au projet n'en constituent qu'un simple perfectionnement.
50.
De plus, elle relève que la loi no 488 de 1992 est entrée en vigueur presque deux ans et six mois après la date à laquelle les travaux d'agrandissement de l'établissement industriel de la requérante se sont terminés (30 juin 1990) et environ deux ans après la date à laquelle ledit établissement a entamé sa production à plein régime (15 décembre 1990). A cet égard, il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions internes pertinentes (articles 12 § 2 et 13 du décret ministériel du 28 juin 1979 et article 73 § 3 du décret présidentiel no 218 de 1978 — paragraphe 21 ci-dessus), après le début de la production, l'agence doit procéder à une vérification et doit ensuite, sur la base des résultats de la vérification en question, verser le solde des subventions dues à l'entreprise demanderesse dans les six mois à partir du dépôt des documents relatifs à l'achèvement des travaux. En l'espèce, cependant, la vérification n'a eu lieu que le 28 juillet 1994, et la commission n'a déposé son rapport certifiant le ‘ résultat positif ’ des contrôles effectués que le 13 octobre 1994 (paragraphe 14 ci-dessus), soit presque trois ans et dix mois après la date à laquelle l'établissement industriel en cause avait entamé sa production à plein régime.
51.
Dans ces circonstances, la Cour estime que le retard de l'administration publique dans l'accomplissement des formalités devant précéder le versement du solde des subventions a eu une influence déterminante sur l'application des nouvelles règles introduites par la loi no 488 de 1992. En effet, si l'exécution de ces formalités avait été régulière et ponctuelle, le financement accordé à la requérante n'aurait pas été assujetti à la règle selon laquelle aucun ajustement n'était envisageable en cas d'augmentation de l'investissement en cours des travaux. La réticence de l'administration à procéder au versement du solde dans la perspective d'appliquer le moment venu une règlementation alors en cours d'élaboration et défavorable à la requérante est par ailleurs confirmée par les autorités elles-mêmes, et notamment par la note du ministère des Activités productives du 26 janvier 2005, d'où il ressort que les procédures concernant la subvention des dépenses supplémentaires étaient de facto suspendues, dans l'attente des décisions du Gouvernement et du Parlement en la matière (paragraphe 33 ci-dessus).
52.
A la lumière de ce qui précède, la Cour estime qu'en l'espèce, l'application de la loi no 488 de 1992 a rompu le ‘ juste équilibre ’ devant régner entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu (voir, mutatis mutandis, Di Belmonte (no 1) précité, § 46).
53.
Il s'ensuit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.
II. Sur l'application de l'article 41 de la Convention
54.
Aux termes de l'article 41 de la Convention,
‘ Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. ’
55.
La requérante demande le versement des subventions qu'elle aurait dû recevoir. Etant donné qu'elle avait informé l'agence que son investissement total s'élevait à 5 297 814 EUR (paragraphe 11 ci-dessus), elle aurait dû bénéficier d'une subvention additionnelle de 683 737,28 EUR (dont 331 565,33 EUR à titre de contribution à hauteur de 20% sur l'investissement et 352 171,95 EUR à titre de compensation de la perte de gain découlant de la non-obtention d'un prêt à taux réduit). De plus, étant donné que l'investissement réel a été de 6 600 938 EUR (paragraphe 15 ci-dessus), elle avait droit à la somme additionnelle de 260 624,81 EUR à titre de contribution à hauteur de 20% sur l'investissement. Le non-perçu totalise donc 944 362,09 EUR. Ce montant devant être actualisé pour compenser les effets de l'inflation et assorti d'intérêts légaux, la requérante chiffre le préjudice matériel subi à 2 775 661,1 EUR.
56.
Se fondant sur des notes d'honoraires de ses conseils, la requérante sollicite en outre le remboursement des frais et dépenses des procédures internes (19 619,23 EUR) et de la procédure devant la Cour (37 733,18 EUR).
57.
Le Gouvernement réitère que la requérante n'avait aucun droit d'obtenir une augmentation proportionnelle de la subvention octroyée par l'agence. En tout état de cause, le préjudice subi ne s'élèverait pas à 944 362,09 EUR, mais, tout au plus, à 592 190,14 EUR. Compte tenu des intérêts légaux et de la revalorisation de la monnaie, le total pouvant être revendiqué serait de 1 144 420 EUR.
58.
Le Gouvernement estime également que la demande de la requérante d'obtenir le remboursement des frais et dépens relatifs aux procédures internes est dépourvue de justification, compte tenu du rejet de ses recours par les juridictions administratives.
59.
La Cour estime que la question de l'application de l'article 41 ne se trouve pas en état. En conséquence, elle la réserve et fixera la procédure ultérieure, compte tenu de la possibilité que le Gouvernement et la requérante parviennent à un accord.
Par ces motifs, la cour, à l'unanimité,
- 1.
Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
- 2.
Dit que la question de l'application de l'article 41 de la Convention ne se trouve pas en état ;
en conséquence,
- a)
la réserve en entier ;
- b)
invite le Gouvernement et la requérante à lui adresser par écrit, dans le délai de trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
- c)
réserve la procédure ultérieure et délègue à la présidente de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 mai 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Sally Dollé
Greffière
Françoise Tulkens
Présidente