EHRM, 21-06-2007, nr. 25053/05
ECLI:NL:XX:2007:BB7355
- Instantie
Europees Hof voor de Rechten van de Mens
- Datum
21-06-2007
- Magistraten
F. Tulkens, A.B. Baka, I. Cabral Barreto, M. Ugrekhelidze, V. Zagrebelsky, A. Mularoni, D. Jociene
- Zaaknummer
25053/05
- LJN
BB7355
- Vakgebied(en)
Burgerlijk procesrecht (V)
Internationaal publiekrecht (V)
- Brondocumenten en formele relaties
ECLI:NL:XX:2007:BB7355, Uitspraak, Europees Hof voor de Rechten van de Mens, 21‑06‑2007
Uitspraak 21‑06‑2007
F. Tulkens, A.B. Baka, I. Cabral Barreto, M. Ugrekhelidze, V. Zagrebelsky, A. Mularoni, D. Jociene
Partij(en)
ARRÊT
STRASBOURG
21 juin 2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire
Ferreira Alves
c.
Portugal (no 3),
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Mme F. TULKENS, présidente,
MM. A.B. BAKA,
I. CABRAL BARRETO,
M. UGREKHELIDZE,
V. ZAGREBELSKY,
Mmes A. MULARONI,
D. JOCIENE, juges,
et de Mme S. DOLLÉ, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 31 mai 2007,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
Procédure
1
A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 25053/05) dirigée contre la République portugaise et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Jorge de Jesus Ferreira Alves (‘le requérant’), et sa fille MlleRita Duarte Ribeiro da Mota Ferreira Alves ont saisi la Cour le 5 juillet 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (‘la Convention’). Suite à la décision de la chambre du 11 avril 2006, l'affaire s'est poursuivie au nom du seul requérant Jorge de Jesus Ferreira Alves, les griefs soulevés par Rita Duarte Ribeiro da Mota Ferreira Alves ayant été déclarés irrecevables (voir le paragraphe 4 ci-dessous).
2
Le requérant est représenté par Me M. Brandão, avocat à Matosinhos (Portugal). Le gouvernement portugais (‘le Gouvernement’) est représenté par son agent, M. J. Miguel, procureur général adjoint.
3
Le requérant alléguait en particulier que le défaut de communication de plusieurs actes et pièces de procédure, ainsi de que des notes rédigées par le juge, emportait violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
4
Le 11 avril 2006, la Cour a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer le grief du requérant tiré de la non communication de certaines pièces et actes de procédure au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
En fait
I. Les circonstances de l'espèce
5
Le requérant est né en 1953 et réside à Matosinhos.
6
Suite à la séparation entre le requérant et son épouse H., l'autorité parentale à l'égard de leur fille Rita fut octroyée à la mère, par un jugement du tribunal d'Oliveira de Azeméis du 10 juillet 1996, un droit de visite étant accordé au requérant.
7
Le 19 octobre 1998, H. introduisit devant le tribunal d'Oliveira de Azeméis une procédure visant à supprimer le droit de visite du requérant. Elle allégua notamment que Rita ne souhaitait pas voir le requérant et qu'elle présentait, depuis juillet 1998, des troubles émotionnels après chaque visite à son père. Le requérant s'opposa à cette demande.
8
Le 17 février 1999, l'agent du ministère public, agissant, conformément à la loi, dans l'intérêt de l'enfant, demanda au juge d'ordonner une enquête sociale sur les parents ainsi qu'un examen médical de Rita. Par une ordonnance du 22 février 1999, le juge suivit les suggestions du ministère public et demanda à l'Institut de réinsertion sociale (‘l'IRS’) de procéder à l'enquête sociale en cause. Il rejeta par ailleurs une demande du requérant visant à soumettre H. à une expertise psychiatrique, estimant qu'un tel examen ne s'avérait pas ‘opportun’. Le 11 mars 1999, le requérant fit appel contre cette dernière décision, l'examen du recours étant différé jusqu'au jugement final du tribunal, malgré une réclamation du requérant devant le président de la cour d'appel de Porto demandant un examen immédiat du recours. Dans une note du 12 avril 1999 adressée, conformément à la loi, au président de la cour d'appel par le juge du tribunal d'Oliveira de Azeméis, ce dernier soutint sa décision antérieure de différer l'examen du recours. Cette note fut portée à la connaissance du requérant le 14 avril 1999. Le 26 mai 1999, le président de la cour d'appel rejeta la réclamation.
9
Le 17 février 2000, le requérant s'éleva contre la participation à la procédure, en tant qu'agent du ministère public, du procureur près le tribunal d'Oliveira de Azeméis. Le requérant exposa que ce procureur avait été écarté de la procédure concernant l'octroi de l'autorité parentale par son supérieur hiérarchique, le procureur général du district judiciaire de Porto. Il devait donc être récusé.
10
Le juge demanda au procureur général du district de se prononcer à cet égard. Prenant connaissance de la demande du requérant, le ministère public, par un acte du 3 mars 2000, indiqua ne pas souhaiter se prononcer sur la question et que l'on devait attendre l'avis du procureur général du district. Cette position du ministère public ne fut pas portée à la connaissance du requérant.
11
Le 30 mars 2000, le procureur général du district informa le juge du tribunal d'Oliveira de Azeméis qu'il avait en effet, dans un premier moment, écarté le procureur près le tribunal d'Oliveira de Azeméis de la procédure portant sur l'autorité parentale car ce dernier était à l'époque poursuivi au pénal par le requérant. Cette procédure pénale s'étant entre-temps terminée, il ne voyait plus de motif pour le maintenir à l'écart de la procédure en question, raison pour laquelle il avait annulé sa décision antérieure. Le procureur général du district annexa à son information plusieurs documents. Ni l'information en question ni les documents y annexés ne furent portés à la connaissance du requérant.
12
Par une ordonnance du 16 mai 2000, le juge, se référant à l'information du procureur général du district, rejeta la demande de récusation formulée par le requérant. Celui-ci fit appel contre cette ordonnance, ce recours devant être examiné en même temps que celui à interjeter, le cas échéant, contre le jugement.
13
A une date non précisée, le requérant demanda, invoquant l'article 6 de la Convention, à être informé des plusieurs interventions du ministère public lors de la procédure.
14
Par une ordonnance du 6 juin 2000, le juge rejeta la demande. Le juge s'exprima notamment ainsi :
‘Il n'y a aucune norme déterminant ou recommandant la notification des interventions du ministère public aux parties. Le système judiciaire portugais ne le permet pas. Le ministère public n'est ni un organe de souveraineté ni une simple partie à la procédure. Il possède un statut différent, consacré par la Constitution ; il appartient aux citoyens de respecter la souveraineté de l'Etat portugais et le système légal et constitutionnel en vigueur, même s'ils ne sont pas d'accord avec un tel système ; ainsi le veulent les règles de la démocratie [et] de l'Etat de droit.’
15
Le 23 juin 2000, le requérant fit appel contre cette décision. Toutefois, par une ordonnance du 28 juin 2000, le juge déclara le recours irrecevable, considérant que l'ordonnance attaquée ne visait que la simple discipline de la procédure (despacho de mero expediente) et qu'elle était par conséquent insusceptible de recours. Le requérant déposa une réclamation contre cette dernière ordonnance devant le président de la cour d'appel de Porto. Celui-ci rejeta la réclamation le 23 janvier 2001.
16
Le 9 juin 2000, le ministère public se prononça sur le contenu des rapports médicaux concernant Rita. Il soutint que la procédure était en état de passer à la phase de jugement et invita le juge à convoquer à l'audience les deux experts auteurs des rapports médicaux en cause. Cet acte du ministère public ne fut pas porté à la connaissance du requérant.
17
Par une ordonnance du 13 juin 2000, le juge fixa l'audience aux 22 et 23 novembre 2000. Suivant le ministère public, il décida par ailleurs de convoquer les deux experts médicaux en question à l'audience.
18
L'audience n'eut pas lieu les 22 et 23 novembre 2000 en raison de l'absence de l'avocat de H. et de Rita. Par une ordonnance du 31 janvier 2001, le juge décida d'attendre les rapports des expertises non encore effectuées avant de tenir l'audience. Ajournées à plusieurs reprises en raison de l'absence du requérant ainsi que de H., les expertises eurent lieu pendant les mois de mai 2001 et de mars 2002 ; les rapports d'expertise furent versés au dossier les 24 et 28 juin 2002.
19
Par une ordonnance du 8 juillet 2002, le juge demanda à l'IRS de procéder à une nouvelle enquête sociale concernant Rita. Le rapport y relatif fut versé au dossier le 13 décembre 2002. Le juge considéra par ailleurs, rendant sans effet une décision antérieure du 22 février 1999, que l'audience à tenir ne ferait pas l'objet d'enregistrement magnétique. Le 16 septembre 2002, le requérant interjeta appel contre cette dernière décision. Le 11 juillet 2003, le juge du tribunal d'Oliveira de Azeméis adressa, conformément à la loi, une note à l'attention des juges de la cour d'appel réaffirmant le bien-fondé de sa décision. Cette note ne fut pas communiquée au requérant. Par un arrêt du 23 octobre 2003, la cour d'appel de Porto rejeta le recours.
20
Les 2 juillet et 15 septembre 2003, le ministère public, se référant aux conclusions du rapport de l'IRS, proposa au juge d'accorder au requérant, à titre provisoire, un droit de visite hebdomadaire sur Rita. Ces visites devaient avoir lieu une fois par semaine et dans un lieu public. Invité à se prononcer à cet égard, le requérant, le 1er octobre 2003, souligna ne pas avoir reçu notification du rapport de l'IRS, considérant qu'une telle situation portait atteinte à l'article 6 de la Convention.
21
Le 17 novembre 2003, le juge ordonna de notifier tous les rapports médicaux et sociaux aux parties. Il fixa par ailleurs un droit de visite provisoire. Le 7 janvier 2004, le requérant interjeta appel contre cette ordonnance, contestant les termes de ce droit de visite. Par un arrêt du 3 juin 2004, la cour d'appel rejeta le recours.
22
L'audience eut lieu les 24 mai et 14 juin 2004. Le tribunal rendit son jugement le 15 juillet 2004. Se fondant notamment sur la déposition de Rita, qu'il considéra éclairée et convaincante, le tribunal accueillit partiellement la demande de H. et limita le droit de visite du requérant, sans le supprimer totalement, à deux heures par semaine. Le requérant fit appel de ce jugement devant la cour d'appel de Porto.
23
Par un arrêt du 9 juin 2005, celle-ci rejeta tous les appels interjetés par le requérant au cours de la procédure et confirma le jugement attaqué en toutes ses dispositions. S'agissant en particulier de l'appel interjeté contre l'ordonnance du 16 mai 2000, la cour d'appel souligna que le ministère public, même s'il peut devenir un allié ou un adversaire objectif des parties, ne possède aucun pouvoir de décision, qui n'appartient qu'au juge. La cour d'appel considéra ainsi qu'aucune violation de l'article 6 § 1 de la Convention ne pouvait être constatée.
II. Le droit et la pratique interne pertinents
24
La partie pertinente de l'article 744 du code de procédure civile se lit ainsi :
‘1. Après l'expiration des délais accordés aux parties aux fins de présentation de leurs mémoires respectifs, le greffe verse ces derniers, accompagnés de leurs expéditions (certidões) et documents, au dossier et présente le tout au juge afin que celui-ci maintienne la décision (sustentar o despacho) ou qu'il la répare (reparar o agravo).
2. S'il maintient la décision, le juge peut ordonner de verser au dossier d'autres expéditions ; le dossier est ensuite transmis au tribunal ad quem.
(…)’
25
Si le juge décide de maintenir sa décision, il doit envoyer une note adressée à la juridiction ad quem informant cette dernière de sa position. Cette note n'est pas envoyée aux parties, la cour d'appel d'Évora ayant déjà eu l'occasion de se prononcer à cet égard, soutenant qu'un tel envoi n'est pas nécessaire, dans la mesure où il ne donne ni ne retire des droits aux parties (arrêt du 29 mars 1979, publié à la Colectânea de Jurisprudência, 1979, vol. II, p. 383).
En droit
I. Sur la violation alléguée de l'Article 6 § 1 de la Convention
26
Le requérant allègue que le défaut de communication de plusieurs actes et pièces présentés par le ministère public ainsi que des notes rédigées par le juge du tribunal d'Oliveira de Azeméis à l'intention de la cour d'appel de Porto porte atteinte au principe du procès équitable, tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention, qui se lit notamment ainsi :
‘Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…)’
27
Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
28
La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
29
Le requérant, se référant à la jurisprudence de la Cour et notamment à l'affaire Nideröst-Huber c. Suisse (arrêt du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I), estime que le fait que plusieurs pièces et actes de procédure ne lui ont pas été communiqués n'est pas compatible avec les exigences du procès équitable.
30
Le Gouvernement conteste cette thèse. S'agissant en premier lieu des actes et pièces du ministère public, le Gouvernement souligne d'emblée que l'on est en présence en l'espèce d'une procédure particulière, dans laquelle c'est l'intérêt de l'enfant qui doit primer. Pour le Gouvernement, ceci peut justifier une intervention accrue de la part du ministère public. En tout état de cause, les deux pièces auxquelles se réfère le requérant — celles présentées les 3 mars et 9 juin 2000 — n'auraient pas aggravé la situation procédurale du requérant, aucune violation du caractère équitable de la procédure litigieuse ne pouvant donc être constatée.
31
Quant aux notes rédigées par le juge à l'intention de la cour d'appel, le Gouvernement soutient qu'elles se sont bornées à réitérer les motifs des décisions attaquées, sans avancer des éléments nouveaux. Les notes en question n'ont pas eu pour conséquence d'aggraver la situation du requérant. Enfin, les juges de la cour d'appel étaient insusceptibles de se laisser influencer par le contenu de ces notes.
32
Le Gouvernement conclut à l'absence de violation de l'article 6 § 1 de la Convention. Il souligne qu'une telle conclusion ne se heurte pas à la jurisprudence de la Cour, comme l'atteste l'usage de l'expression ‘en principe’ par l'arrêt Lobo Machado c. Portugal (arrêt du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 206, § 31). Pour le Gouvernement, si les notes en cause ne contiennent aucun élément nouveau ni n'aggravent la situation de l'intéressé, alors le caractère équitable de la procédure ne saurait être mis en cause.
2. Position de la Cour
33
La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la notion de procès équitable implique en principe le droit pour les parties de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter (voir Lobo Machado précité, ibidem et aussi Vermeulen c. Belgique, arrêt du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 234, § 33, Nideröst-Huber précité, p. 107, § 23 et, plus récemment, Spang c. Suisse, no 45228/99, § 32, 11 octobre 2005).
34
Le requérant se plaignant de plusieurs actes, pièces et notes, il convient d'abord de déterminer lesquels de ces éléments doivent être pris en considération afin d'examiner le respect du principe du contradictoire. A cet égard, la Cour estime devoir examiner les pièces présentées par le ministère public les 3 mars 2000, 30 mars 2000 et 9 juin 2000 ainsi que la note rédigée par le juge du tribunal d'Oliveira de Azeméis le 11 juillet 2003.
a) Sur les pièces présentées par le ministère public
35
La Cour constate que dans les pièces en cause, le ministère public se prononça sur des questions importantes de fond comme de procédure. Ainsi, dans les pièces présentées les 3 et 30 mars 2000 — cette dernière soumise par le procureur général du district, c'est-à-dire le supérieur hiérarchique du procureur près le tribunal devant lequel se déroulait le litige — le ministère public se prononça sur une demande de récusation du procureur en cause, annexant par ailleurs à son acte plusieurs documents. Dans son acte du 9 juin 2000, le ministère public invita le juge à convoquer à l'audience des experts.
36
Aucune de ces pièces ne fut communiquée au requérant. Certes, le Gouvernement le souligne, l'on ne saurait dire que le ministère public — représenté par des magistrats indépendants — était en l'espèce une partie à la procédure. Il est vrai également que celle-ci portait sur des questions liées à l'autorité parentale et aux droits de visite sur un mineur, matière délicate dans laquelle l'intérêt de l'enfant revêt assurément une importance primordiale.
37
Il n'en demeure pas moins que le droit à une procédure contradictoire au sens de l'article 6 § 1, tel qu'interprété par la jurisprudence, ‘implique en principe le droit pour les parties à un procès de se voir communiquer et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge, fût-ce par un magistrat indépendant, en vue d'influencer sa décision’ (voir J.J. c. Pays-Bas, arrêt du 27 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 613, § 43in fine).
38
Vu sous cet angle, peu importe que le procureur soit ou non qualifié de ‘partie’ dès lors qu'il est à même, surtout de par l'autorité que lui confèrent ses fonctions, d'influencer la décision du tribunal dans un sens éventuellement défavorable à l'intéressé (voir Martinie c. France [GC], no 58675/00, § 50, CEDH 2006).
39
Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure à la violation de l'article 6 § 1 de ce chef.
b) Sur la note rédigée par le juge
40
La Cour constate que dans cette note, le juge du tribunal d'Oliveira de Azeméis réaffirma les motifs de la décision attaquée, même s'il ne présenta aucun élément nouveau. Il n'en demeure pas moins que par cette note, le juge se prononça sur le bien-fondé du recours formé par le requérant et proposa par conséquent à la juridiction supérieure, ne serait-ce qu'implicitement, son rejet. En tout état de cause, la note en question visait assurément à influencer la décision de la cour d'appel de Porto.
41
Certes, la note contestée ne présentait aucun fait ou argument nouveau ne figurant pas déjà dans la décision attaquée. Comme la Cour l'a néanmoins exprimé à maintes reprises, cette appréciation, en réalité, appartient aux seules parties au litige : c'est à elles de juger si un document appelle des commentaires. Il y va notamment de la confiance des justiciables dans le fonctionnement de la justice : elle se fonde, entre autres, sur l'assurance d'avoir pu s'exprimer sur toute pièce au dossier. De même, peu importe l'effet réel de la note en cause sur les juges de la cour d'appel de Porto (Nideröst-Huberprécité, p. 108, §§ 27 et 29).
42
Si l'on peut concevoir des situations exceptionnelles dans lesquelles certaines pièces du dossier, en raison par exemple de leur caractère confidentiel ou lié à la sécurité de l'Etat, ne seraient pas connues des parties, d'où l'expression ‘en principe’ de l'arrêt Lobo Machado mise en exergue par le Gouvernement, tel n'est certainement pas le cas d'une note telle que celle présentée en l'espèce par le juge du tribunal de première instance devant la juridiction de recours.
43
En l'espèce, le respect du droit au procès équitable, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention, exigeait que le requérant fût informe de l'envoi de la note en question et qu'il eût la possibilité de la commenter. Tel n'ayant pas été le cas, il y a eu violation de cette disposition.
II. Sur l'application de l'Article 41 de la Convention
44
Aux termes de l'article 41 de la Convention,
‘Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable.’
A. Dommage
45
Le requérant réclame 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu'il aurait subi. Il demande par ailleurs la somme de 10 000 EUR pour le préjudice moral.
46
Le Gouvernement s'oppose à ces demandes.
47
La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. Elle estime par ailleurs que le constat d'une violation de l'article 6 § 1 fournit une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral éventuellement subi par le requérant.
B. Frais et dépens
48
Le requérant demande également 39 193,93 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et pour ceux encourus devant la Cour.
49
Le Gouvernement estime ces sommes surévaluées, compte tenu notamment de la nature de l'affaire au niveau interne.
50
Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime équitable la somme de 2 500 EUR, tous frais confondus, et l'accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
51
La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
- 1.
Déclare la requête recevable ;
- 2.
Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
- 3.
Dit que le constat d'une violation représente en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral éventuellement subi par le requérant ;
- 4.
Dit,
- a)
que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 2 500 EUR (deux mille cinq cent euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
- b)
qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
- 5.
Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 juin 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
S. DOLLÉ
Greffière
F. TULKENS
Présidente