EHRM, 24-05-2007, nr. 50049/99
ECLI:NL:XX:2007:BB7357
- Instantie
Europees Hof voor de Rechten van de Mens
- Datum
24-05-2007
- Magistraten
A.B. Baka, F. Tulkens, R. Türmen, M. Ugrekhelidze, V. Zagrebelsky, D. Jočienė, D. Popović
- Zaaknummer
50049/99
- LJN
BB7357
- Vakgebied(en)
Internationaal publiekrecht (V)
Strafprocesrecht (V)
- Brondocumenten en formele relaties
ECLI:NL:XX:2007:BB7357, Uitspraak, Europees Hof voor de Rechten van de Mens, 24‑05‑2007
Uitspraak 24‑05‑2007
A.B. Baka, F. Tulkens, R. Türmen, M. Ugrekhelidze, V. Zagrebelsky, D. Jočienė, D. Popović
Partij(en)
ARRÊT
STRASBOURG
24 mai 2007
DÉFINITIF
24/08/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire
Da Luz Domingues Ferreira
c.
Belgique,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
M. A.B. BAKA, président,
Mme F. TULKENS,
MM. R. TÜRMEN,
M. UGREKHELIDZE,
V. ZAGREBELSKY,
Mme D. JOČIENĖ,
M. D. POPOVIĆ, juges,
et de Mme F. ELENS-PASSOS, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 mai 2007,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
Procédure
1
A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 50049/99) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant portugais, M. Ramiro Da Luz Domingues Ferreira (‘le requérant’), a saisi la Cour le 27 janvier 1999 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (‘la Convention’).
2
Le requérant est représenté par Me M. Neve et Me S. Berbuto, avocats à Liège. Le gouvernement belge (‘le Gouvernement’) est représenté par son agent, M. C. Debrulle, directeur du Service public fédéral de la Justice.
3
Le requérant alléguait, en particulier, que l'absence de comparution en appel et l'irrecevabilité de l'opposition formée contre l'appel violaient l'article 6 §§ 1 et 3 c).
4
Par une décision du 6 juillet 2006, la Cour a déclaré la requête partiellement recevable.
5
Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement). Le Gouvernement portugais ne s'est pas prévalu de son droit de prendre part à la procédure (article 36§1 de la Convention).
En fait
I. Les circonstances de l'espèce
6
Le requérant est né en 1957 et réside en Belgique.
7
Le requérant a passé son enfance au Portugal. En 1970 ou 1971, il vécut à Paris, puis s'installa au Luxembourg en mai 1974 où il épousa en 1977 une ressortissante belge.
8
En 1983, il aurait été condamné par un tribunal luxembourgeois à une peine d'emprisonnement de 18 mois avec sursis pour proxénétisme. Le 25 août 1985, le requérant, qui avait été arrêté à la fin de l'année 1984 ou au début de l'année 1985, fut extradé vers la France. Par arrêt de la cour d'appel de Metz du 12 décembre 1989, il fut condamné à 6 ans d'emprisonnement et à dix ans d'interdiction du territoire pour proxénétisme. Remis en liberté le 3 août 1989, il fut éloigné vers le Portugal. Le 29 août 1989, il se rendit en Belgique où il s'installa, d'abord à Arlon, puis à Athus.
9
Le 20 octobre 1992, le juge d'instruction du tribunal de première instance d'Arlon inculpa le requérant notamment pour des faits de débauche et de prostitution et le plaça en détention préventive. Le requérant fut remis en liberté le 23 mars 1993. Il fut ultérieurement renvoyé devant les juridictions du fond, comme six autres personnes.
1. La procédure au fond devant le tribunal correctionnel d'Arlon
10
Le 9 février 1994, le tribunal correctionnel d'Arlon, statuant contradictoirement, condamna le requérant, qui était assisté de deux avocats, à une peine d'emprisonnement de quatre ans du chef d'incitation à la débauche, proxénétisme, trafic de stupéfiants, menaces et vol. Il précisa, dans son dispositif, que la prévention de débauche était établie relativement aux victimes qui ont subi des faits en Belgique à l'exclusion des faits qui auraient pu être commis en pays étranger à l'égard de n'importe quelle victime.
11
Le requérant avait comparu devant le tribunal qui l'avait entendu en ses moyens de défense présentés par lui-même et par ses deux avocats. Toutefois, le requérant était défaillant le jour du prononcé et, sur réquisitions du ministère public, le tribunal ordonna son arrestation immédiate estimant qu'il y avait lieu de craindre qu'il ne tente de se soustraire à l'exécution de la peine.
12
D'après les indications figurant dans le jugement du tribunal, le requérant, au moment de la procédure devant le tribunal d'Arlon, était incarcéré pour une autre cause à la prison de Schrassig au Luxembourg (située à une cinquantaine de kilomètres d'Arlon).
13
Le 28 février 1994, l'un des avocats, qui avait représenté le requérant en première instance, interjeta appel en son nom. Il informa le requérant de cet appel et l'informa qu'à l'avenir, à défaut de recevoir les paiements des honoraires dus, il ne pourrait plus poursuivre sa défense. Le ministère public fit également appel, de même que les six coïnculpés.
2. La procédure au fond devant la cour d'appel
14
Le 24 février 1994, le requérant, qui s'était entre-temps rendu en Allemagne, fut arrêté et placé en détention préventive dans une prison de Coblence.
15
Le requérant, qui prétend ne pas avoir reçu de citation à comparaître, aurait appris par une tierce personne qu'il était cité à comparaître le 17 juin 1994 devant la cour d'appel de Liège. Le 1er juin 1994, il adressa au procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire de Liège un courrier pour solliciter une remise dans les termes suivants :
‘DA LUZ Domingues Ferreira
Le 01 juin 1994
Dossier 38.00.646.92
Et 00.00.4137/92
Monsieur le Procureur du Roi,
Je viens respectueusement par la présente vous demander de bien vouloir remettre à une date ultérieure, l'affaire qui est fixée pour le 17 juin 1994 devant la 6ème chambre de la cour d'appel de Liège.
Vu que pour des raisons juridiques, je ne peux être présent.
Par ces motifs, je vous prie de bien vouloir faire droit à ma demande.’
16
Ni le ministère public, ni la cour d'appel n'auraient réservé de suite à ce courrier, dans lequel le requérant n'avait indiqué ni son domicile ni son lieu de résidence.
17
Par courrier du 14 juin 1994, l'avocat du requérant informa la cour d'appel qu'il restait sans nouvelles de son client.
18
Le requérant, comme deux autres inculpés, ne comparut pas à l'audience du 17 juin 1994 et n'y était pas représenté. La cour d'appel y entendit les quatre prévenus présents et leurs conseils.
19
Par un arrêt du 30 juin 1994, la cour d'appel de Liège, après avoir relevé que le requérant ne comparaissait pas quoique régulièrement cité et appelé, confirma la décision entreprise sous la seule ‘émendation’ prise à l'unanimité que le requérant se trouvait dans un état de récidive, eu égard à l'article 7 de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui du 21 mars 1950, ce qui justifiait de porter la peine d'emprisonnement à six ans. La cour d'appel constata, en effet, que les faits poursuivis avaient été commis dans les cinq années d'une condamnation à six ans d'emprisonnement du chef de proxénétisme prononcée le 12 décembre 1987 par la cour d'appel de Metz. Elle ordonna l'arrestation immédiate du requérant en raison notamment de ce qu'il n'avait pas comparu aux audiences, de la gravité des faits et du danger certain qu'il représentait pour la société, de sa personnalité laissant craindre de le voir récidiver dans ce type de délinquance et du risque de fuite à l'étranger.
3. La procédure d'opposition
20
Le 4 août 1994, l'arrêt du 30 juin 1994 fut signifié au requérant, toujours incarcéré à Coblence sans indication des formalités à respecter pour former opposition.
21
Le jour même, le requérant aurait adressé, sous pli recommandé, au ‘procureur général du Roi de la cour d'appel de Liège’ un courrier rédigé dans ces termes :
‘A monsieur le procureur général du Roi,
J'ai l'honneur de vous exposer très respectueusement ma demande d'opposition contre le jugement par défaut du 30 juin 1994.
Attendu que, par courrier du 1er juin 1994, j'ai demandé que le jugement soit remis.
Qu'en outre, je n'ai pas reçu de citation à comparaître le jour de l'audience, comme je le spécifie.
Par ces motifs, je vous prie de bien vouloir recevoir mon opposition et me donner citation au jugement.’
22
Le requérant explique que ni la cour d'appel ni le ministère public n'auraient réservé de suite à ce courrier. Le Gouvernement expose qu'aucune lettre de ce type n'est jamais parvenue au parquet général de la cour d'appel de Liège.
23
Le 10 janvier 1995, le tribunal régional de Trêves (Trier, en Allemagne) condamna le requérant, qui était dans cette procédure assisté d'un avocat, à une peine de deux ans d'emprisonnement pour des faits de proxénétisme en partie identiques à ceux pour lesquels il avait été condamné en Belgique. Dans son jugement, le tribunal releva notamment les faits suivants :
‘Le prévenu a d'abord été condamné par jugement du tribunal correctionnel d'Arlon du 9 février 1994 à une peine d'emprisonnement de 4 ans et ensuite, sur appel du ministère public, par arrêt de la cour d'appel de Liège du 30 juin 1994, à une peine d'emprisonnement de 6 ans et une amende de 250 000 FB (subsidiairement à trois mois d'emprisonnement). Cet arrêt est coulé en force de chose jugée depuis le 5 septembre 1994.
Le prévenu a été condamné du chef d'avoir ‘à Athus et Virton, à plusieurs reprises entre l'an 1990 et le 10 décembre 1992, afin de satisfaire les passions d'autrui, embauché, entraîné ou détourné en vue de la débauche et la prostitution, même de leur consentement des personnes de nationalités brésilienne, française, dominicaine, philippine ou portugaise, par exemple […] et d'avoir ‘à Athus, le 20 octobre 1992, détenu des stupéfiants (609 grammes de haschich) sans autorisation préalable du Ministre compétent, et avoir sans autorisation importé, transporté, détenu, délivré ou acquis du haschich les 15 juin et 1er septembre 1992 à titre onéreux ou gratuit, et avoir volé le 19 juillet 1992 un véhicule à Arlon et avoir le 1er septembre 1992 verbalement ou par écrit anonyme ou signé, menacé, avec ordre ou sous conditions, […] d'un attentat contre les personnes ou les propriétés’. Ces condamnations ne tenaient pas compte des actes commis sur les victimes à l'étranger.
(…)
Le prévenu a été acquitté des autres préventions. Les jugements en première et deuxième instances ont été prononcés à défaut du prévenu qui a pourtant été entendu lors de l'audience en première instance.
(…)
Une autre circonstance atténuante est que le prévenu, en tant qu'étranger qui ne connaît pas la langue allemande, est particulièrement défavorisé par la détention à purger en Allemagne.
(…)
Etant donné que l'objet de la procédure menée à charge du prévenu en Belgique, dans laquelle il a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée, est en partie identique à celle de la présente procédure et vu que le prévenu a été en détention préventive dans le cadre de la procédure d'instruction belge entre le 20 octobre 1992 et le 23 mars 1993, l'emprisonnement subi en Belgique doit être pris en considération pour la peine infligée.’
24
Le 15 février 1995, le requérant fut libéré et il se rendit à une date inconnue d'Allemagne au Luxembourg.
25
Le 9 octobre 1995, les autorités belges demandèrent aux autorités luxembourgeoises l'extradition du requérant, lequel, entre-temps, avait été incarcéré au centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig. Par un arrêté ministériel du 5 avril 1996, le ministre de la Justice du Grand-Duché de Luxembourg accorda l'extradition aux fins d'exécution de la peine d'emprisonnement de six ans prononcée par la cour d'appel de Liège le 30 juin 1994.
26
Par un arrêté royal du 20 mai 1997, un recours en grâce formulé par le requérant fut rejeté.
27
Le 26 mars 1998, en réponse à une lettre du requérant du 8 février 1998, le procureur général près la cour d'appel de Liège l'informa que l'opposition ne pouvait se faire par lettre recommandée. Il ajouta que le délai d'opposition lui paraissait d'ailleurs avoir expiré et que l'arrêt de la cour d'appel de Liège lui paraissait dès lors définitif.
28
Le 18 juin 1998, en réponse à un nouveau courrier du requérant du 5 juin 1998, le procureur général l'informa du fait que la demande formulée dans sa lettre n'était pas, comme telle, recevable et n'était pas conforme à la loi. Il précisait que, dans la situation du requérant, seul un avocat pourrait lui permettre d'éclaircir le problème et d'indiquer la meilleure marche à suivre.
29
Le 16 septembre 1998, le requérant, qui venait d'être extradé en Belgique et d'y être placé en détention, forma opposition contre l'arrêt du 30 juin 1994, par voie de déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire.
30
Le 23 septembre 1998, la cour d'appel de Liège siégea en vue de statuer sur la recevabilité et le fondement de l'opposition. Le requérant, présent, n'était pas assisté d'un conseil lors de cette audience.
31
Le 28 septembre 1998, un avocat, intervenant au nom du requérant, déposa une requête en réouverture des débats afin de pouvoir s'expliquer sur la recevabilité de l'opposition, précisant qu'une opposition avait déjà été introduite en date du 4 août 1994 par courrier recommandé et que, considérée comme irrecevable par le procureur général, elle n'avait pas été soumise à la cour d'appel. La cour d'appel y fit droit le 30 septembre 1998 estimant qu'il était opportun de rouvrir les débats afin que le prévenu soit assisté d'un conseil à l'audience. Le 7 octobre 1998, la cour d'appel procéda à l'instruction d'audience et entendit le parquet général ainsi que la défense. Le 2 novembre 1998, le requérant déposa une nouvelle requête en réouverture des débats aux fins de transmettre à la Cour le récépissé de la poste concernant le courrier recommandé du 4 août 1994 adressé par le requérant au parquet général.
32
Par un arrêt du 4 novembre 1998, la cour d'appel dit ne pas avoir lieu à ordonner la réouverture des débats et déclara l'opposition irrecevable aux motifs suivants :
‘Attendu que le prévenu avait été valablement convoqué pour l'audience du 17 juin 1994 et que le défaut lui était imputable ;
Attendu que l'arrêt par défaut du 30 juin 1994 a été signifié à sa personne le 4 août 1994 ;
Attendu que l'opposition du 16 septembre 1998 est tardive et que le prévenu, auquel il incombait de se tenir informé de la marche de la procédure, ne peut exciper de la force majeure puisqu'il ne s'est pas trouvé dans l'impossibilité absolue de former opposition ; qu'il pouvait faire appel à son conseil allemand, à son ancien conseil belge, solliciter d'urgence la désignation d'un avocat pro deo ou l'assistance judiciaire pour les frais d'opposition ;
Attendu que ces considérations valent pour l'opposition irrégulière en la forme que le prévenu aurait faite par lettre recommandée le 4 août 1994 ; qu'il ne s'impose dès lors pas d'ordonner la réouverture des débats ;
Que par ailleurs, il n'existe aucune obligation pour l'autorité judiciaire de donner des informations et que le prévenu ajoute à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en exigeant d'avoir la possibilité de former opposition comme il le fit.’
33
Le requérant saisit la Cour de cassation. Dans son mémoire, il exposa son unique moyen comme suit :
‘Le respect du principe général du respect des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 187 et 208 du code d'instruction criminelle et 2 de l'arrêté royal no 236 du 20 janvier 1936 simplifiant certaines formes de la procédure pénale à l'égard des détenus, exige qu'à défaut de considérer comme recevable l'opposition faite par un détenu par lettre recommandée envoyée d'un établissement pénitentiaire étranger faute de pouvoir être faite par déclaration reçue par le directeur d'établissement ou son délégué, le juge du fond considère comme recevable, pour cause de force majeure, l'opposition faite ultérieurement par ce même détenu, après son extradition en Belgique, par déclaration reçue par le directeur d'établissement ou son délégué.
Qu'en effet, il résulte de l'économie des différentes dispositions légales précitées et du respect du principe général du respect des droits de la défense que tout prévenu, condamné par défaut, doit pouvoir obtenir d'être jugé à nouveau, et cette fois contradictoirement, dès lors qu'au moment où il a eu connaissance de la condamnation par défaut, il a de façon claire et non équivoque averti la partie contre laquelle il entend s'opposer, soit, comme en l'espèce, la défenderesse.’
34
Par un arrêt du 6 janvier 1999, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant au motif que le juge du fond apprécie en fait si les circonstances alléguées constituent un cas de force majeure et que la juridiction de cassation n'a pouvoir que pour contrôler si, des circonstances retenues par lui, le juge a pu légalement déduire l'existence de la force majeure. Rappelant le raisonnement de la cour d'appel, la Cour de cassation estima que les juges d'appel avaient justifié légalement leur décision.
35
Le 2 juin 1999, le requérant introduisit un nouveau recours en grâce qui fut rejeté le 15 juillet 1999.
II. Le droit interne pertinent
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Les dispositions pertinentes du code d'instruction criminelle étaient, à l'époque des faits, les suivantes.
Article 184 bis
‘Si le prévenu dont l'indigence est constatée, comme il est dit au livre 1er de la quatrième partie du code judiciaire, demande l'assistance d'un avocat, trois jours au moins avant celui fixé pour l'audience, sa requête est transmise par le président au délégué du bureau de consultation et de défense, et par les soins de celui-ci un défenseur lui est désigné. (…)’
Article 185
‘§ 1. Le prévenu, personne morale, la partie civile et la partie civilement responsable comparaîtront en personne ou se feront représenter par un avocat.
§ 2. Le prévenu, personne physique, comparaîtra en personne. Il pourra se faire représenter par un avocat dans les affaires relatives à des délits qui n'entraînent pas une peine de prison à titre principal, ou dans les débats qui ne portent que sur une exception, sur un incident étranger au fond ou sur les intérêts civils.
§ 2. Le tribunal pourra toujours autoriser la représentation du prévenu qui justifie de l'impossibilité de comparaître en personne.
§ 3. En tout état de cause, le tribunal pourra, sans que sa décision puisse être l'objet d'aucun recours, ordonner la comparution en personne.
§ 3. Le jugement ordonnant cette comparution sera signifié à la partie qu'il concerne à la requête du ministère public, avec citation à comparaître à la date fixée par le tribunal. Si elle ne comparaît pas, il sera statué par défaut.’
Article 186
‘Si le prévenu ne comparaît pas, il sera jugé par défaut.’
Article 187
‘Le condamné par défaut pourra faire opposition au jugement dans les quinze jours qui suivent celui de la signification.
Lorsque la signification du jugement n'a pas été faite en parlant à sa personne, le prévenu pourra faire opposition, quant aux condamnations pénales dans les quinze jours, qui suivent celui où il aura connu la signification et, s'il n'a pas été établi qu'il en a eu connaissance, jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine. Il pourra faire opposition, quant aux condamnations civiles, jusqu'à l'exécution du jugement.
(…)
L'opposition sera signifiée au ministère public et aux parties en cause.
Si l'opposition n'a pas été signifiée dans les quinze jours qui suivent la signification du jugement, il pourra être procédé à l'exécution des condamnations et, en cas d'appel des parties poursuivantes ou de l'une d'elles, il pourra être procédé au jugement sur l'appel.
La condamnation sera comme non avenue par suite de l'opposition ; néanmoins, les frais et dépens causés par l'opposition, y compris le coût de l'expédition et de la signification du jugement seront laissés à charge de l'opposant, si le défaut lui est imputable. »’
Article 208
‘Les arrêts rendus par défaut sur l'appel pourront être attaqués par la voie de l'opposition dans la même forme et dans les mêmes délais que les jugements par défaut rendus par les tribunaux correctionnels.
L'opposition emportera de droit citation à la première audience après l'expiration d'un délai de quinze jours ou de trois jours si l'opposant est détenu ;
Elle sera non avenue si l'opposant n'y comparaît pas et l'arrêt qui interviendra sur l'opposition ne pourra être attaqué par la partie qui l'aura formée, si ce n'est devant la Cour de cassation.’
37
L'article 2 de l'arrêté royal no 236 du 20 janvier 1936, simplifiant certaines formes de procédure pénale à l'égard des détenus, dispose :
‘Lorsque l'opposant est détenu et n'est pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais de l'acte d'huissier de justice, l'opposition aux condamnations pénales prononcées par les cours d'appel, les tribunaux correctionnels et les tribunaux de police, peut être faite par déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire ou à son délégué.
Il est dressé procès-verbal de cette déclaration dans un registre destiné à cet effet.
Mention est faite dans ce procès-verbal de la circonstance que l'opposant n'est pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais de l'acte d'huissier de justice.
Le directeur avise immédiatement de la déclaration l'officier du ministère public près la juridiction qui a rendu la décision attaquée et lui transmet, dans les vingt-quatre heures, une expédition du procès-verbal. Avis et expédition sont versés au dossier.
La déclaration d'opposition emporte de droit citation à la première audience après expiration des délais et est réputée non avenue si l'opposant n'y comparaît pas.
Dès réception de l'avis du directeur, l'officier du ministère public convoque l'opposant à cette audience, dans la forme décrite à l'article 1er.’
En droit
I. Sur la violation alléguée de l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention
38
Le requérant se plaint d'avoir été condamné par défaut sans avoir comparu devant les juridictions belges et de s'être vu refusé le droit de former opposition. Il invoque l'article 6 de la Convention qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :
- ‘1.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…).
(…)
- 3.
Tout accusé a droit notamment à :
(…)
- c)
se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; (…) »’
A. Les arguments des parties
1. Le requérant
39
Invoquant l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, le requérant se plaint de n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable au motif qu'il n'a pas pu être présent à l'audience de la cour d'appel de Liège du 17 juin 1994 malgré sa volonté manifeste d'y assister. Il soutient qu'il n'a pas reçu la citation à comparaître et a, de ce fait, sollicité par lettre du 1er juin 1994 la remise de l'audience. Il soutient également qu'il n'aurait pu se faire représenter par un avocat à défaut de ressources suffisantes.
40
Le requérant se plaint également, au titre de l'article 6, qu'en lui refusant le droit de former opposition de la manière dont il le fit, à savoir par lettre recommandée, contre la décision prise par défaut contre lui par la cour d'appel de Liège, les juridictions belges auraient violé son droit d'accès à un tribunal et son droit à un procès équitable.
41
Le requérant explique qu'il était incarcéré en Allemagne et n'était de ce fait pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais d'un acte d'huissier de justice. Ne pouvant donc ni faire signifier son opposition ni faire une déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire puisque le directeur de l'institution allemande n'était pas habilité à recevoir pareille déclaration, il n'avait d'autre possibilité que de transmettre un courrier recommandé au procureur du Roi et ce courrier devait valoir déclaration d'opposition. Il précise que, du fait de son incarcération, il était indigent et se trouvait dans l'impossibilité de s'adresser à un avocat qu'il aurait dû rémunérer. On ne pouvait pas non plus raisonnablement attendre de lui qu'il demande le bénéfice de l'assistance judiciaire ou d'un avocat pro deo alors que le ministère public, qui avait reçu sa lettre d'opposition, ne l'avait pas averti d'une telle possibilité avant les courriers des 26 mars et 18 juin 1998 et ce silence l'a conforté quant à la légalité et la régularité de son recours. Du fait de son incarcération à l'étranger, il ne pouvait pas non plus avoir accès au texte des articles 187 et 208 du code d'instruction criminelle qui prescrivent que l'opposition doit se faire par exploit d'huissier. Enfin, vu que le délai d'opposition est de quinze jours à dater de la signification de l'arrêt par défaut, il était impensable que dans un délai aussi bref, un avocat pro deo allemand ait pu être désigné et renseigné sur la manière de diligenter une opposition conforme au prescrit légal.
42
La cour d'appel a non seulement refusé de recevoir l'opposition formée par lettre recommandée, mais elle a également déclaré tardive l'opposition formée par déclaration à la direction de l'établissement pénitentiaire d'Arlon le 16 septembre 1998, le privant ainsi de tout accès à cette juridiction. En restreignant de la sorte l'accès offert par la voie de l'opposition, les juridictions belges ont, de l'avis du requérant, limité son droit d'accès à un tribunal à un point tel que ce droit s'en trouve atteint dans sa substance même.
2. Le Gouvernement
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Le Gouvernement fait valoir que le défaut de réception de la citation ne saurait être retenu car il n'a été invoqué ni lors de la demande de remise d'audience ni dans les conclusions déposées sur opposition en 1998. Le Gouvernement indique également qu'à l'époque des faits, en vertu de l'article 185 § 2 du code d'instruction criminelle, le tribunal pouvait autoriser le prévenu qui justifiait être dans l'impossibilité de comparaître en personne à se faire représenter par son avocat. Il souligne que le requérant n'a pas sollicité l'autorisation d'être représenté à l'audience de la cour d'appel du 17 juin 1994, se contentant d'envoyer une lettre demandant la remise de l'audience, alors même que depuis février 1994 et tout en bénéficiant encore d'un conseil en Belgique, il savait, pour avoir interjeté appel lui-même, qu'il serait appelé à comparaître devant la cour d'appel. Le Gouvernement fait remarquer qu'un faisceau d'indices (contacts avec sa famille, approvisionnement régulier de son compte en prison, aide financière de sa concubine) permet de douter du défaut allégué de ressources et que, quand bien même le défaut de ressources se serait trouvé avéré, le requérant n'a pas fait usage de la possibilité que lui octroyait la législation belge de solliciter l'assistance d'un avocat pro deo. Ici aussi, le Gouvernement fait observer que le requérant savait depuis février 1994 qu'un de ses conseils ne poursuivrait plus sa défense à défaut de recevoir les paiements dus. Par conséquent, le Gouvernement considère que l'absence de comparution du requérant résulte de sa propre négligence.
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Le Gouvernement expose que l'opposition, qui permet à une partie qui avait fait défaut de ramener l'affaire devant le même tribunal pour bénéficier de débats contradictoires, doit être formée par voie de signification par exploit d'huissier au ministère public et aux autres parties ou, lorsque la personne est détenue en Belgique et ne dispose pas des moyens financiers nécessaires, par déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire ou à son délégué. Il souligne que l'arrêt de la cour d'appel de Liège a été signifié au requérant en personne et que le code allemand de procédure pénale (articles 35 et 35 a) prévoit qu'à cette occasion ‘la personne concernée doit être informée sur les possibilités de recours, ainsi que sur les délais et formes à respecter’. Selon l'article 187 du code d'instruction criminelle, le délai d'opposition est de quinze jours à partir du lendemain de la signification de la décision. Sauf en cas de force majeure, l'opposition signifiée après l'expiration de ce délai est irrecevable.
45
Le Gouvernement rappelle également que, selon la jurisprudence de la Cour (Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, §§ 44–45), le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et la réglementation à respecter pour former un recours vise à assurer une bonne administration de la justice et le principe de sécurité juridique car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l'article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En l'espèce, le requérant s'est contenté de former opposition par lettre recommandée, une forme non prévue par la loi, sans s'inquiéter davantage de la suite qui y serait réservée. Or, il n'était pas dans l'impossibilité absolue de former opposition dans les formes prescrites, comme l'a relevé la cour d'appel en considérant qu'il pouvait ‘faire appel à son conseil allemand, à son ancien conseil belge, solliciter d'urgence la désignation d'un avocat pro deo ou l'assistance judiciaire pour les frais d'opposition’ ou encore passer par les services consulaires belges. Le Gouvernement considère qu'en l'espèce les formalités à respecter étaient raisonnables et n'aboutissaient pas à priver le justiciable normalement consciencieux des voies de droit qui lui étaient offertes et que, partant, elles poursuivaient un but légitime et ne portaient pas atteinte au rapport raisonnable entre les moyens employés et le but visé.
B. Sur l'observation de l'article 6
46
Dans la mesure où les exigences du paragraphe 3 de l'article 6 de la Convention s'analysent en des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1, la Cour examinera les griefs sous l'angle de ces deux dispositions combinées (voir, notamment, Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, § 27, CEDH 1999-I ; Krombach c. France, arrêt du 13 février 2001, Recueil 2001-II, § 82).
1. Sur l'absence de comparution à l'audience de la cour d'appel de Liège du 17 juin 1994
47
La Cour relève que la présente espèce concerne la question de savoir si un procès en l'absence de l'accusé se concilie avec l'article 6 §§ 1 et 3 c) : le requérant se plaint que l'audience d'appel du 17 juin 1994 ait eu lieu en son absence.
48
La Cour a déjà eu l'occasion de préciser que la comparution d'un prévenu revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que de la nécessité de contrôler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins ; dès lors, le législateur doit pouvoir décourager les absences injustifiées aux audiences (Poitrimol c. France, arrêt du 23 novembre 1993, série A no 277-A, p. 15, § 35 ; Krombach précité, § 84). Une procédure se déroulant en l'absence du prévenu n'est pas en soi incompatible avec l'article 6 de la Convention s'il peut obtenir ultérieurement qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé des accusations en fait comme en droit (Colozza c. Italie, arrêt du 12 février 1985, série A no 89, p. 15, § 29 ; Poitrimol précité, p. 13, § 31, Medenica c. Suisse, arrêt du 14 juin 2001, no 20491/92, § 54, CEDH 2001-VI).
49
L'article 208 du code d'instruction criminelle permet d'attaquer les arrêts rendus par défaut sur l'appel par la voie de l'opposition, pouvant entraîner, si elle est déclarée recevable, un nouvel examen de la cause en fait comme en droit. Cette possibilité existe que le prévenu soit incarcéré en Belgique ou à l'étranger comme en l'espèce. Dans le cas présent, par un arrêt du 4 novembre 1998, la cour d'appel de Liège a déclaré irrecevables les oppositions formées par le requérant. Cet arrêt a été confirmé par la Cour de cassation le 6 janvier 1999. Compte tenu du fait qu'il ne pouvait être préjugé de ces circonstances lors de l'audience du 17 juin 1994 et que le grief tenant à l'irrecevabilité de l'opposition est examiné séparément (paragraphes 54 à 59 ci-dessous), la Cour n'en tirera pas de conclusions à ce stade.
50
La Cour relève avec le Gouvernement que le requérant a interjeté lui-même appel du jugement du tribunal correctionnel d'Arlon en février 1994 et qu'il savait donc depuis cette date qu'il serait cité à comparaître en appel. Or, tout en tenant compte du fait que le principe à l'époque des faits litigieux était la comparution personnelle (article 185 paragraphe 2 du code d'instruction criminelle), la Cour constate que le requérant n'a effectué aucune démarche pour pallier son impossibilité ‘juridique’ à comparaître, vraisemblablement liée à son incarcération en Allemagne. De plus, le requérant n'a invoqué le défaut de réception de la citation à comparaître ni lors de la demande de remise d'audience, ni dans les conclusions déposées sur opposition en 1998. Il a de plus, par sa lettre du 1er juin 1994 demandant une remise de l'audience, montré sans équivoque qu'il connaissait la date de celle-ci. Enfin, le requérant n'a pas fait preuve de plus de diligence pour motiver sa demande de remise d'audience, invoquant sa seule impossibilité ‘juridique’ à comparaître.
51
Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la Cour estime que le manque de diligence du requérant a, dans une large mesure, contribué à créer une situation l'empêchant de participer et d'assurer sa défense à l'audience devant la cour d'appel de Liège.
52
De l'avis de la Cour, dans ces circonstances particulières, rien n'autorise à considérer que la cour d'appel de Liège aurait versé dans l'arbitraire ou se serait fondée sur des prémisses manifestement erronées en indiquant que le requérant avait été régulièrement cité et appelé et en jugeant par défaut (arrêt Medenica précité, § 57).
53
A la lumière de ce qui précède et, puisqu'il ne s'agit en l'espèce ni d'un prévenu qui n'aurait pas été informé de la procédure ouverte contre lui (Colozza précité, p. 14, § 28 ; F.C.B. c. Italie, arrêt du 28 août 1991, série A no 208-B, p. 21, §§ 33–35 ; T. c. Italie, arrêt du 12 octobre 1992, série A no 245-C, pp. 41–42, §§ 27–30), ni d'un prévenu privé de l'assistance d'un avocat (Poitrimol c. France, arrêt du 23 novembre 1993, série A no 277-A, pp. 14–15, §§ 32–38 ; Pelladoah c. Pays-Bas, arrêt du 22 septembre 1994, série A no 297-B, pp. 34–35, §§ 37–41 ; Lala c. Pays-Bas, arrêt du 22 septembre 1994, série A no 297-A, pp. 13–14, §§ 30–34 ; Van Geyseghem, précité, §§ 33–35 ; Krombach, précité, §§ 83–90), la Cour estime que la tenue de l'audience en l'absence du requérant et sa condamnation par défaut ne s'analysent pas en une mesure disproportionnée.
2. Sur l'irrecevabilité de l'opposition
54
La Cour a récemment fait le point sur les principes généraux en matière de droit à un nouveau procès lorsqu'un individu est condamné par défaut ou in absentia (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, §§ 81–85, CEDH 2006-…). Elle a en particulier rappelé que, si une procédure se déroulant en l'absence du prévenu n'est pas en soi incompatible avec l'article 6 de la Convention, il demeure néanmoins qu'un déni de justice est constitué lorsqu'un individu condamné in absentia ne peut obtenir ultérieurement qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit, alors qu'il n'est pas établi qu'il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre (Colozza précité, p. 15, § 29 ; Einhorn c. France (déc.), no 71555/01, § 33, CEDH 2001-XI ; Krombach précité, § 85; Somogyi c. Italie, no 67972/01, § 66, CEDH 2004-IV, Battisti c. France (déc.), no 28796/05), ni qu'il a eu l'intention de se soustraire à la justice (Medenica précité, § 55).
55
La Cour a estimé que l'obligation de garantir à l'accusé le droit d'être présent dans la salle d'audience — soit pendant la première procédure à son encontre, soit au cours d'un nouveau procès — est l'un des éléments essentiels de l'article 6 (Stoichkov c. Bulgarie, no 9808/02, § 56, 24 mars 2005). Dès lors, le refus de rouvrir une procédure qui s'est déroulée par défaut en l'absence de toute indication que l'accusé avait renoncé à son droit de comparaître a été considéré comme un ‘flagrant déni de justice’, ce qui correspond à la notion de procédure ‘manifestement contraire aux dispositions de l'article 6 ou aux principes qui y sont consacrés’ (Stoichkov précité, §§ 54–58).
56
Dans la présente espèce, en formant opposition par lettre recommandée le jour même de la signification de l'arrêt de la cour d'appel de Liège en 1994, puis en formant à nouveau opposition contre le même arrêt par voie de déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire en 1998, le requérant a montré sans ambiguïté sa volonté de comparaître et de se défendre, ce que le Gouvernement ne conteste d'ailleurs pas. Toutefois, le requérant n'obtint pas le droit d'être entendu sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit puisque, dans les deux cas, son opposition fut déclarée irrecevable, pour non respect des formalités dans le premier cas et pour tardiveté dans le second.
57
La Cour convient avec le Gouvernement de l'importance de respecter la réglementation pour former un recours (Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, §§ 44–45). Toutefois, la réglementation en question, ou l'application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible (ibidem, § 45).
58
Dans la présente espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Liège du 30 juin 1994 a été signifié le 4 août 1994 à la personne du requérant alors incarcéré en Allemagne. Le jour même, c'est-à-dire dans le délai prescrit par l'article 208 du code d'instruction criminelle, le requérant aurait adressé un courrier recommandé au ministère public par lequel il déclarait vouloir former opposition contre l'arrêt du 30 juin 1994. Au motif que l'opposition avait été formée dans une forme non prévue par la loi, la cour d'appel de Liège déclara cette opposition irrecevable par arrêt du 4 novembre 1998. La Cour constate toutefois que le requérant n'a pas été informé, lors de la signification de l'arrêt du 30 juin 1994, des formalités à respecter pour former opposition. Le Gouvernement se contente à ce sujet de renvoyer aux articles 35 et 35 a) du code allemand de procédure pénale (paragraphe 44 ci-dessus). Il n'a en revanche établi à aucun stade de la procédure qu'à l'époque des faits, la signification d'une décision belge à une personne détenue en Allemagne était accompagnée des documents pouvant utilement permettre au prévenu d'introduire un recours dans le respect des formes et délais prescrits.
59
Dans ces circonstances, la Cour considère que le refus par la cour d'appel de Liège de rouvrir une procédure qui s'est déroulée par défaut en présence d'éléments montrant sans équivoque que l'accusé souhaitait faire valoir son droit de comparaître a privé le requérant du droit d'accès à un tribunal. Partant, il y a violation de l'article 6 § 1.
II. Sur l'application de l'article 41 de la Convention
60
Aux termes de l'article 41 de la Convention,
‘Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable.’
A. Dommage
61
Dans sa requête, M. Da Luz Domingues Ferreira sollicite, au titre du préjudice moral, une indemnité de 500 000 francs belges (BEF) pour encourager l'Etat à mettre un terme à la pratique consistant à méconnaître l'article 6 de la Convention dans les audiences d'appel.
62
Sur invitation de la Cour le requérant a précisé sa demande au titre de la satisfaction équitable. Par courrier du 14 septembre 2006, il sollicite une indemnité de 20 400 euros (EUR) pour le dommage subi résultant de la détention du 13 décembre 2001 au 5 juillet 2002 non justifiée à ses yeux. Il soutient en effet que si la cour d'appel de Liège l'avait entendu, l'aggravation de deux ans d'emprisonnement aurait pu être évitée et qu'il est raisonnable de penser que la peine aurait tout au plus été aggravée de six mois, portant ainsi à dix-huit mois la durée de la détention non justifiée aux yeux du requérant. Le montant sollicité correspond à 100 EUR par jour de détention ‘injustifiée’ et a été apprécié en tenant compte de l'indemnisation généralement accordée en vertu de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnité en cas de détention préventive inopérante.
63
Le Gouvernement fait valoir qu'il existe une possibilité d'obtenir réparation en droit interne au titre de la mise en cause de la responsabilité extra-contractuelle de l'Etat, principe désormais reconnu dans la jurisprudence de la Cour de cassation depuis l'arrêt du 28 septembre 2006.
64
Le Gouvernement soutient par ailleurs qu'il n'existerait aucun lien de causalité démontré entre la violation dénoncée et le préjudice moral allégué et que, se fondant sur des spéculations, le requérant ne justifie pas de la réalité de son préjudice matériel. Il considère à cet égard que la comparaison faite avec l'indemnisation en cas de détention préventive inopérante est manifestement inappropriée. De plus, il estime que le préjudice moral subi par le requérant serait suffisamment réparé par le constat d'une violation de l'article 6.
65
La Cour estime que la seule base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable pourrait résider dans le fait que le requérant n'a pu jouir du droit d'un accès à un tribunal, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention (Stift c. Belgique, no 46848/99, § 40, 24 février 2005). Elle ne saurait spéculer sur ce qu'eût été l'issue du procès si le requérant avait pu jouir des garanties de l'article 6 de la Convention. Toutefois, à la lumière des circonstances de l'espèce, la Cour considère que le constat de violation de l'article 6 § 1 de la Convention constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral allégué.
B. Autre demande
66
Le requérant demande que l'Etat belge n'impose pas l'exécution de la peine de six ans d'emprisonnement que la cour d'appel de Liège lui a infligée.
67
La Cour relève que la Convention ne lui donne pas compétence pour exiger de l'Etat belge qu'il s'engage à prendre une telle mesure.
C. Frais et dépens
68
Le requérant n'a formulé aucune demande chiffrée au titre des frais et dépens.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
- 1.
Dit qu'il y a eu violation de l'article 6§1 de la Convention du fait du refus de la cour d'appel de rouvrir la procédure qui s'est déroulée par défaut;
- 2.
Dit que le constat d'une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage allégué ;
- 3.
Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 mai 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
F. ELENS-PASSOS
Greffière adjointe
A.B. BAKA
Président