EHRM, 24-01-2006, nr. 26625/02
ECLI:NL:XX:2006:AW3612
- Instantie
Europees Hof voor de Rechten van de Mens
- Datum
24-01-2006
- Magistraten
J.-P. Costa, A.B. Baka, R. Türmen, K. Jungwiert, M. Ugrekhelidze, A. Mularoni, E. Fura-Sandström
- Zaaknummer
26625/02
- LJN
AW3612
- Vakgebied(en)
Internationaal publiekrecht / Mensenrechten
Onderwijsrecht (V)
Internationaal publiekrecht (V)
Ambtenarenrecht (V)
- Brondocumenten en formele relaties
ECLI:NL:XX:2006:AW3612, Uitspraak, Europees Hof voor de Rechten van de Mens, 24‑01‑2006
Uitspraak 24‑01‑2006
J.-P. Costa, A.B. Baka, R. Türmen, K. Jungwiert, M. Ugrekhelidze, A. Mularoni, E. Fura-Sandström
Partij(en)
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 26625/02
présentée par
Şefika KÖSE et 93 autres requérants
contre
la Turquie
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant le 24 janvier 2006 en une chambre composée de:
MM. J.-P. COSTA, président,
A.B. BAKA,
R. TÜRMEN,
K. JUNGWIERT,
M. UGREKHELIDZE,
Mmes A. MULARONI,
E. FURA-SANDSTRÖM, juges,
et de Mme S. DOLLÉ, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 8 juin 2002,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante:
En fait
Les requérants, dont les noms figurent en annexe, sont des ressortissants turcs et résident à Istanbul. Ils sont représentés devant la Cour par Me H. Tuna, avocat à Istanbul.
A. Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
Les requérants sont des élèves des lycées İmam-Hatip d'Eyüp, de Tuzla, de Pendik et d'Ümraniye à Istanbul, et leurs parents. Les lycées ‘İmam-Hatip’ sont des établissements d'enseignement secondaire publics à vocation religieuse (ci-après ‘les lycées İmam-Hatip’).
Les requérants expliquent qu'à l'exception de certaines d'entre elles, les élèves s'étaient inscrites dans les lycées İmam-Hatip en présentant des photos d'identité sur lesquelles elles apparaissaient voilées. De même, elles ont toujours suivi leurs études revêtues du foulard islamique, en conformité avec leur conviction religieuse et celle de leurs parents. En effet, elles disent avoir commencé à porter le foulard islamique en général à partir de l'âge de la puberté, à savoir douze ans.
Toutefois, les requérants soutiennent qu'à partir du 26 février 2002, les élèves voilées n'avaient plus accès à l'enceinte de leurs écoles. Celles qui se rendaient à l'école étaient d'abord accueillies par les conseillers psychologiques auprès de cette école qui tentaient d'expliquer la justification des règles en question. Ces mesures étaient fondées sur une directive du 12 février 2002 émanant de la préfecture d'Istanbul adressée aux directions chargées de l'Education nationale auprès des sous-préfectures concernées. Cette directive est ainsi libellée dans ses parties pertinentes:
‘Les inscriptions des élèves aux lycées İmam-Hatip ont été effectuées à la suite du dépôt d'un document signé par les parents attestant que les élèves respecteront les règles portant sur la tenue vestimentaire. En outre, par une lettre du 4 octobre 1999, un suivi de la pratique a été demandé.
Cependant, nous sommes informés qu'un petit nombre d'élèves ne respectent pas le règlement portant sur la tenue vestimentaire.
La persistance par les élèves du non-respect des règles démontre qu'il ne s'agit pas d'un comportement inconscient. Ainsi, le fait que ces élèves se rendent à l'école voilées correspond à un acte de non-reconnaissance des règles sur la tenue vestimentaire et à une protestation contre le système éducatif.
Cela étant, des poursuites disciplinaires seront engagées contre les directeurs des écoles ou les enseignants qui se montrent laxistes dans l'application des règles sur la tenue vestimentaire (…) Par ailleurs, toutes les activités sportives, culturelles et sociales tendant à nuire au climat de sérénité de l'école et à la tranquillité des élèves doivent être arrêtées, et les liens entre les écoles et les associations, les fondations, les pensionnats [qui promeuvent de telles pratiques] doivent être rompus.
A la lumière de ce qui précède, je vous prie de prendre toutes les mesures nécessaires afin de réintégrer ces élèves dans notre système éducatif, de ne pas donner accès aux enceintes scolaires aux élèves qui ne respectent pas les règles sur la tenue vestimentaire et d'engager sans tarder des poursuites disciplinaires à leur encontre en application du règlement portant sur la promotion et la discipline des établissement de l'enseignement de second degré rattachés au ministère de l'Education nationale (Milli Eğitim Bakanlığı Ortaöğretim Kurumları Ödül ve Disiplin Yönetmeliği, ci-après ‘le règlement sur la discipline’). [De même,] il convient d'entamer des procédures à l'encontre des directeurs ou des enseignants qui ne montrent pas la diligence nécessaire dans l'application des mesures disciplinaires.’
Le 2 mars 2002, une autre note d'information rédigée par la direction de l'Education nationale auprès de la préfecture d'Istanbul fut adressée aux sous-préfectures concernées. Ses parties pertinentes étaient ainsi libellées:
‘Les lycées İmam-Hatip sont des lycées professionnels faisant partie de notre système éducatif national (…)
Il est observé que, dans ces écoles, certaines filles ne respectent pas les règles sur la tenue vestimentaire, elles agissent collectivement et de manière consciente, et sont soutenues par certains milieux à l'extérieur de l'école qui exploitent le sujet. [Par conséquent,] il est établi que celles-ci, sous la direction politique et idéologique de ces milieux, à l'intérieur et à l'extérieur de l'école, exercent une pression sur les directeurs, enseignants et élèves qui ne pensent pas comme elles. [Il est par ailleurs établi que] malgré le fait qu'elles se rendent à l'école, elles n'entrent pas dans les classes avec les garçons qui les soutiennent.
Lors de l'inscription, tous les élèves de ces écoles ont été informés des règles de l'école et se sont engagés par écrit à les respecter. Or, un certain nombre d'élèves, assistés par ceux qui les soutiennent, dans des buts idéologiques, ont exprimé et montré par leur action la volonté de poursuivre leurs études sans respecter les règles.
En vertu de l'article 12 a) du règlement portant sur la tenue vestimentaire du personnel et des élèves des écoles rattachées au ministère de l'Education nationale et aux autres ministères du 25 octobre 1992 et portant le numéro 17849, il est mentionné que les filles doivent ‘avoir la tête nue, les cheveux propres et coiffés soigneusement à l'intérieur de l'école (…)’ (…)
Une dérogation à cette règle est prévue à son article 13 c) i, selon lequel ‘dans les écoles İmam-Hatip, les filles peuvent se couvrir la tête uniquement pendant les cours de Coran’.
Par ailleurs, le recours entamé par un parent d'élève dont la fille, fréquentant le lycée d'İmam-Hatip, était obligée d'ôter son foulard en raison de l'application du règlement portant sur la discipline publié au Journal officiel le 31 janvier 1985 a été rejeté par le Conseil d'Etat par un arrêt portant le numéro 1994/484. Ce dernier a considéré que ‘ce comportement affiché dans les écoles est le symbole d'une vision contraire aux principes fondamentaux de la République’.
Cela étant, il convient d'assurer la continuité du système éducatif et l'accessibilité de tous à l'école en établissant la sérénité dans les écoles, harmonisant leur pratique dans l'application des règles régissant la situation des élèves qui ne respectent pas la réglementation sur la tenue vestimentaire et de ceux qui ne veulent pas poursuivre leurs études (…)’
La note qualifie l'inobservation des règles portant sur la tenue vestimentaire d'acte collectif dirigé contre les principes fondamentaux de la République, et donne onze instructions aux directeurs des écoles sur la conduite à tenir en cas d'inobservation des règles de l'établissement. Il convient d'abord d'informer les élèves des règles en vigueur et d'appliquer celles-ci strictement. Puis, en cas d'inobservation répétée, il faudra avertir sur-le-champ l'élève dont il s'agit et déclencher la procédure de sanction disciplinaire. En outre, il est demandé aux directeurs d'empêcher que ceux qui soutiennent ces irrégularités à des fins politiques et idéologiques ne se réunissent pas aux environs de l'école.
Les requérants ont présenté à la Cour onze documents signés par les personnes (des élèves, leurs parents ainsi que d'autres personnes) se réunissant devant les lycées İmam-Hatip de Kadiköy et d'Ümraniye attestant que les 28 février, 1er, 4, 28 et 29 mars 2002, les directeurs de ces établissements, accompagnés des forces de l'ordre, n'ont pas permis aux élèves voilées d'accéder à leurs écoles.
Le 19 mars 2002 à 9 h 30, un rassemblement fut organisé devant le lycée İmam-Hatip d'Eyüp. Il ressort des procès-verbaux établis par les forces de l'ordre qu'un certain T. Ün, qui prétendait être membre de l'association ÖNDER (Association des diplômés des écoles İmam-Hatip), fut arrêté pour provocation. De même, il fut établi qu'environ cent élèves voilées manifestaient devant l'école, en scandant des slogans tels que ‘Dehors, ceux qui sont à l'intérieur [de l'école]’, ‘Nous ne voulons pas de musulmans endormis !’, ‘Citoyen ! Ne dors pas ! Défends tes élèves’, ‘Citoyen, ne dors pas ! Ton tour viendra’. A la suite des sommations des forces de l'ordre, trente et une élèves furent conduits au poste de police à 11 heures le même jour afin d'établir leur identité. Ils furent libérés l'après-midi à 16 heures.
De même, le 9 avril 2002 à 9 heures, l'un des requérants, Necmi Aköz, père de Miraç Aköz, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy, fut arrêté par la police au cours d'un rassemblement devant l'école et conduit au poste de police de Kadıköy. Il lui était reproché d'avoir incité les élèves à ne pas respecter la réglementation sur la tenue vestimentaire. Après l'établissement de la déposition du requérant, il fut libéré à 13 h 45.
Le 16 avril 2002, la requérante Hayrunisa Sömiye Torpil présenta au tribunal de police d'Eyüp une demande tendant à faire constater que les directeurs du lycée İmam-Hatip d'Eyüp l'avaient empêchée de suivre ses études revêtue de son foulard, en conformité avec ses convictions religieuses. Cette demande fut rejetée le même jour pour incompétence.
De même, une autre demande dans le même sens fut rejetée par le tribunal de police d'Eyüp le 20 mai 2002. Ce dernier considéra qu'il n'y avait pas lieu de constater quoi que ce soit, étant donné que l'acte dénoncé était conforme à la loi.
Dans le même temps, ils déposèrent une plainte pénale dirigée contre les directeurs des lycées İmam-Hatip ainsi que les forces de l'ordre. Ils alléguaient que les actes consistant à interdire l'accès des élèves voilées à leurs écoles violaient le droit à l'éducation — un droit fondamental — et constituaient par conséquent une infraction.
Les requérants ont présenté à la Cour une décision du 3 avril 2002 prise par le procureur général près la Cour de cassation déclarant une plainte dirigée contre le préfet d'Istanbul sans suite, considérant qu'il s'agissait d'un acte conforme aux dispositions du règlement portant sur la tenue vestimentaire.
Par ailleurs, les requérants ont également produit l'avis de la commission chargée des droits de l'homme auprès de la préfecture d'Istanbul émis le 27 mars 2002 à la suite du dépôt de cent soixante-quatorze pétitions.
Dans son avis, la commission chargée des droits de l'homme auprès de la préfecture d'Istanbul estima que la réglementation en cause respectait les principes constitutionnels et les droits de l'homme, en se fondant, d'une part, sur le principe de laïcité énoncé dans la Constitution turque et, d'autre part, sur l'atteinte au principe de neutralité de l'école, des arguments largement développés dans l'arrêt du 7 mars 1989 rendu par la Cour constitutionnelle. En outre, elle observa qu'en vertu de l'article 2 du Protocole no 1, l'Etat était tenu de prendre des mesures en vue d'assurer le respect des droits fondamentaux, tels que la liberté de religion et le droit à l'instruction. Elle déclara que la création des écoles İmam-Hatip démontrait que l'Etat avait pris des mesures pour concrétiser ces droits. De l'autre côté, elle rappela que le droit à l'instruction appelait par ailleurs, de par sa nature, une réglementation de l'Etat.
A cet égard, la commission souligna que le principe de laïcité était la considération primordiale ayant motivé la réglementation de la tenue vestimentaire des élèves et que les hautes juridictions ont, à maints égards, déclaré ces dispositions conformes aux principes constitutionnels. En outre, les élèves qui ne respectaient pas les dispositions du règlement portant sur la tenue vestimentaire avaient été informées de la justification de ces règles lors de leur inscription à l'école et s'étaient engagées par écrit à s'y conformer. Cependant, ces élèves, accompagnées des personnes les soutenant à des fins idéologiques, ont manifesté leur volonté de ne pas respecter lesdites règles. La commission conclut qu'un tel comportement n'était pas protégé dans un Etat de droit.
En même temps, le 11 avril 2002, une commission parlementaire chargée d'examiner les événements qui se sont déroulés en mars 2002 dans les lycées İmam-Hatip à Istanbul adopta un avis. En particulier, il fut constaté que le comportement des forces de l'ordre qui avaient éloigné certaines élèves par la force avait créé un trouble social ; par conséquent, il fut conseillé de ne plus employer la force. Il fut également constaté qu'à l'origine des événements se trouvait la réglementation portant sur la tenue vestimentaire, et que les responsables en étaient l'assemblée nationale et l'exécutif.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. La Constitution
L'article 24 de la Constitution, dans sa partie pertinente, est ainsi libellé:
‘(…) Toute personne a liberté de conscience et de religion.
Nul ne peut être forcé à participer aux cultes et aux cérémonies religieuses et à révéler ses convictions religieuses et ses croyances. Nul ne peut être accusé en raison de ses convictions religieuses et ses croyances.
L'éducation et l'instruction religieuses et la connaissance morale se font sous la surveillance et le contrôle de l'Etat. L'enseignement de la culture religieuse et de la connaissance morale figure au nombre des matières obligatoires enseignées dans les établissements scolaires du primaire et du premier cycle du secondaire. En dehors de ces cas, l'éducation et l'instruction religieuses sont subordonnées à la demande de chacun et, pour les mineurs, à celle de leur représentant légal.’
2. La loi fondamentale sur l'éducation nationale
L'article 12 de la loi fondamentale sur l'éducation nationale no 1739, publiée au Journal officiel le 24 juin 1973, dispose:
‘La laïcité est le fondement dans l'éducation nationale turque. La culture religieuse et l'enseignement moral font partie des matières obligatoires enseignées dans les écoles primaires et les lycées et écoles de même niveau.’
3. Les règlements portant sur la tenue vestimentaire et sur la procédure disciplinaire
Les articles 11 et 12 du règlement portant sur la tenue vestimentaire du personnel et des élèves des écoles rattachées au ministère de l'Education nationale et aux autres ministères du 22 juillet 1981 définit la tenue vestimentaire des élèves. Les parties pertinentes de ces dispositions sont libellées comme suit:
Article 11 — dans les collèges
‘a. Elles portent un uniforme noir à col blanc. A l'intérieur de l'école, la tête est nue, les cheveux sont propres et coiffés soigneusement. Si les cheveux sont longs, il convient de les natter et de les attacher en arrière (…)
b. Ils portent veste, chemise et pantalon. Ils mettent la cravate (…)’
Article 12 — dans les lycées
‘a. Elles portent un uniforme qui ne peut pas afficher les lignes du corps, sans fente, sans manche et dont la longueur doit couvrir le genou. La couleur de l'uniforme est désignée par l'école. Sous cet uniforme, elles mettent une blouse à col fermé, à manches courtes ou longues ou un pull selon la saison, et en harmonie avec l'uniforme. Dans l'école, la tête est nue, les cheveux sont propres et soigneusement coiffés. Si les cheveux sont longs, il convient de les natter et de les attacher en arrière (…)
b. Ils portent veste, chemise et pantalon. Ils mettent la cravate (…)
- 1)
Dans les ateliers, les laboratoires ou les lieux de travail, ils portent un tablier ou une salopette.
- 2)
Pendant les cours de sport et les activités sportives, il convient de porter la tenue proposée par l'administration de l'école.
- 3)
Dans les écoles İmam-Hatip, les filles peuvent couvrir leurs cheveux uniquement pendant les cours de Coran (…)’
En vertu de l'article 17 du règlement portant sur la promotion et la discipline des établissements de l'enseignement du second degré rattachés au ministère de l'Education nationale publié au Journal officiel le 31 janvier 1995 (Milli Eğitim Bakanlığı Ortaöğretim Kurumları Ödül ve Disiplin Yönetmeliği), le fait de ne pas respecter les règles sur la tenue vestimentaire est sanctionné par un blâme.
De même, selon la même disposition, le fait de porter des symboles provoquant la discrimination ou de se comporter dans le but de séparer, blâmer ou mépriser une personne ou un groupe de personnes en raison de sa langue, de son sexe, de ses idées politiques et de ses convictions philosophiques ainsi que de son appartenance à une race, à une religion ou à une branche de religion est sanctionné par une exclusion temporaire.
4. La jurisprudence pertinente concernant le port du foulard islamique
Par un arrêt rendu le 7 mars 1989, publié dans le Journal officiel le 5 juillet 1989, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle une disposition légale autorisant le port du foulard pour des motifs religieux dans les établissements d'enseignement supérieur, du fait que cette disposition était contraire au principe de laïcité énoncé dans la Constitution. D'après la Cour constitutionnelle, le principe de laïcité englobe, de par sa nature, la neutralité et exige l'absence d'octroi de privilège en faveur d'une religion précise. De plus, le foulard est considéré par la Cour constitutionnelle comme un signe religieux évident. Toujours d'après cette cour, le port du foulard par les étudiantes peut troubler le pluralisme et entraîner une divergence d'opinion, de conviction ou de religion entre les étudiants. Dès lors, l'autorisation de porter le foulard est de nature à perturber l'ordre dans l'établissement ainsi que l'ordre public (pour un résumé plus complet de l'arrêt de la Cour constitutionnelle, voir l'arrêt Leyla Şahin c. Turquie [GC], no 44774/98, § 39, 10 novembre 2005).
5. Les lycées İmam-Hatip et l'enseignement de la religion
Les lycées İmam-Hatip ont été créés dans les années 1950 en vertu de l'article 4 de la loi no 430, adoptée le 3 mars 1924, portant sur la fusion des services d'éducation. Ces établissements font partie du système éducatif public de Turquie et dépendent du ministère de l'Education nationale. Ils ne sont pas des écoles confessionnelles.
L'article 32 de la loi fondamentale sur l'éducation nationale définit les lycées İmam-Hatip comme suit:
‘Etant des établissements d'enseignement du second degré ouverts par le ministère de l'Education dont ils font partie, les lycées İmam-Hatip forment le personnel religieux, tel que les imams, les hatips [lecteurs de Coran] et les enseignants des cours de Coran. Ils appliquent un programme impliquant la formation professionnelle et la préparation à l'enseignement supérieur.’
Environ 40 % des matières enseignées dans ces écoles visent principalement à apprendre la théologie islamique. Le restant du programme est consacré aux matières générales. Selon les données fournies par les requérants, en 1999, la Turquie comptait environ 604 lycées İmam-Hatip et 134 224 élèves les fréquentaient. Les élèves ayant terminé leurs études secondaires peuvent accéder à des facultés de théologie après avoir passé une épreuve générale. Il s'avère que les parents inscrivent leurs enfants à ces écoles non seulement pour qu'ils deviennent de futurs cadres religieux mais également pour qu'ils poursuivent leurs études supérieures dans les disciplines générales en ayant une bonne instruction religieuse. En effet, bon nombre de familles pratiquantes, mécontentes de la faiblesse de contenu et d'horaire des cours de religion dans l'enseignement général, trouveront dans les écoles professionnelles pour le personnel religieux un enseignement qui leur est philosophiquement proche. Une partie de la population détournera ainsi ces écoles de leur but originel, qui était de former des professionnels religieux modernes. Elle en fera progressivement des écoles secondaires générales à vocation religieuse (pour de plus amples informations, voir ‘L'enseignement de la religion et de la morale dans le système éducatif turc’, Mehmet Zeki Aydın et Ural Manço in Centrum Voor Islam in Europa, www.flwi.ugent.be).
En outre, en guise d'enseignement confessionnel, s'organisent un peu partout en Turquie des cours d'instruction islamique (Kuran Kursu). Ceux-ci ne dépendent pas du ministère de l'Education nationale mais de la Présidence des Affaires religieuses, organisme suprême de tutelle en matière de gestion et de référence du culte islamique en Turquie.
6. La loi relative aux réunions et défilés de manifestation
L'article 10 de la loi no 2911 relative aux réunions et défilés de manifestation, entrée en vigueur le 8 octobre 1983, dispose:
‘Afin qu'une réunion puisse avoir lieu, la préfecture ou la sous-préfecture du lieu de la manifestation doit être informée pendant ses heures d'ouverture, et au moins soixante-douze heures avant le début de la réunion, par une notification portant la signature de tous les membres du conseil d'organisation (…)’
L'article 22 de cette loi interdit les manifestations et défilés sur les routes publiques, dans les parcs, lieux de culte et bâtiments des services publics. Les manifestations organisées sur les places publiques doivent respecter les consignes de sécurité et ne pas empêcher la circulation des individus ainsi que des transports publics. Enfin, l'article 24 prévoit que les manifestations et défilés contraires aux dispositions de cette loi sont dispersés par la force sur l'ordre de la préfecture et après sommation des manifestants.
Griefs
Les requérants, en leur nom et en celui de leurs enfants, soutiennent que les mesures litigieuses constituent une violation des articles 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13 et 14 de la Convention, ainsi que des articles 1 et 2 du Protocole no 1. Ils prétendent qu'ils ne sont pas tenus d'épuiser les voies de recours internes, étant donné que celles-ci sont inefficaces au vu de la jurisprudence constante des tribunaux internes en la matière.
- 1.
Les requérants prétendent que l'interdiction du port du foulard islamique dans les lycées İmam-Hatip constitue une violation du droit de leurs enfants à l'instruction énoncé à la première phrase de l'article 2 du Protocole no 1.
En leur nom, ils soutiennent que les mesures litigieuses ont porté atteinte aux droits qu'ils tenaient de la seconde phrase de l'article 2 du Protocole no 1. Ils disent avoir inscrit leurs enfants aux lycées İmam-Hatip, en pensant qu'il s'agissait d'établissements dispensant un enseignement conforme à leur conviction religieuse. Cependant, les mesures prises à partir du 26 février 2002 les ont privés de ce droit.
- 2.
Invoquant l'article 9 de la Convention, les requérants soutiennent que l'interdiction de porter le foulard islamique dans les lycées İmam-Hatip constitue une atteinte injustifiée au droit de leurs enfants à la liberté de religion, en particulier à leur droit de la manifester.
- 3.
Les requérants allèguent également une violation de l'article 14 de la Convention, combiné avec les articles 8, 9 et 10, ainsi que de l'article 2 du Protocole no 1. En effet, selon eux, l'interdiction de porter le voile islamique ne peut constituer qu'un comportement discriminatoire, dans la mesure où le port du foulard est une exigence de la religion musulmane. Par ailleurs, l'interdiction imposée par les autorités turques constitue une discrimination en raison du sexe, dans la mesure où un garçon de confession musulmane pourrait poursuivre ses études à l'école publique sans encourir d'interdiction d'une quelconque nature. Ils déclarent également que seules les élèves voilées n'ont pas été admises à l'école publique, alors que le règlement régissant la tenue vestimentaire comporte plusieurs interdits qui ne sont pas respectés dans la pratique (par exemple la minijupe).
- 4.
Les requérants prétendent que leur droit d'accès à un tribunal au sens de l'article 6 a été violé, dans la mesure où les juridictions internes n'ont pas accueilli leur demande tendant à faire constater la mise en œuvre de l'interdiction du port du foulard islamique. Ils soutiennent également que l'interdiction aux élèves voilées d'accéder à l'école constitue une punition sans loi, enfreignant par conséquent le principe de légalité de la peine, au sens de l'article 7 de la Convention, ce dans la mesure où le droit turc n'interdit pas le port du foulard islamique par une élève.
- 5.
Les requérants soutiennent que le fait d'avoir été conduits par des membres des forces de l'ordre au poste de police pour s'être rassemblés devant les lycées İmam-Hatip constitue une atteinte à leur droit à la liberté d'association, au sens de l'article 11 de la Convention. Ils prétendent par ailleurs que, lors de ces interventions, les forces de l'ordre ont employé une force disproportionnée entraînant des blessures chez les enfants.
- 6.
Invoquant l'article 13 de la Convention, les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas disposé d'un recours effectif devant une instance nationale pour faire valoir les griefs qu'ils présentent maintenant devant la Cour.
- 7.
Le requérant Necmi Aköz allègue une violation de l'article 5 § 1 de la Convention en raison de son arrestation le 9 avril 2002. Il soutient également ne pas avoir été informé des raisons de son arrestation.
De même, les trente et une élèves arrêtées le 19 mars 2002 soutiennent avoir été privées de leur liberté pour s'être rassemblées pacifiquement devant leur école. Elles soutiennent que cette privation de liberté constitue une violation de l'article 5 § 1 de la Convention.
- 8.
Les requérants se plaignent que les mesures en cause constituent une violation de leur droit au respect de leurs biens, dans la mesure où leurs filles ont été privées d'une éducation leur donnant la possibilité d'accéder à certaines professions. Ils invoquent l'article 1 du Protocole no 1.
- 9.
Enfin, se basant sur les mêmes faits et sans donner de précision, les requérants allèguent la violation de l'article 3 de la Convention.
En droit
Les requérants, en leur nom et en celui de leurs enfants, soutiennent que la réglementation interdisant le port du foulard islamique dans les lycées İmam-Hatip et les mesures y afférentes constituent une violation des articles 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13 et 14 de la Convention, ainsi que des articles 1 et 2 du Protocole no 1.
La Cour relève que les requérants n'ont pas préalablement saisi les juridictions turques de leurs griefs tirés des dispositions de la Convention. En effet, selon eux, les voies de recours internes ne sont plus efficaces, dans la mesure où il existe une jurisprudence établie des tribunaux turcs concernant le foulard islamique.
La Cour juge inutile de vérifier au préalable si les requérants disposaient ou non de voies de recours internes au sens de l'article 35 § 1 de la Convention pour présenter leurs griefs tirés des dispositions de la Convention, dans la mesure où, en tout état de cause, la requête est irrecevable pour d'autres motifs énoncés ci-dessous (voir, dans le même sens, Suku Phull c. France (déc.), no 35753/03, CEDH 2005-…).
A. Grief tiré de la première phrase de l'article 2 du Protocole no 1
Les requérants invoquent une violation du droit à l'instruction au sens de la première phrase de l'article 2 du Protocole no 1 qui dispose:
‘Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction (…)’
Selon les requérants, leurs filles se sont vues dénier le droit à l'instruction, en dépit de la première phrase de l'article 2 du Protocole no 1, dans la mesure où l'interdiction du port du foulard islamique dans les lycées İmam-Hatip les a privées du droit à l'accès à leurs écoles.
La Cour rappelle que le droit à l'instruction, tel qu'il est prévu par la première phrase de l'article 2 du Protocole no 1, garantit à quiconque, sans distinction aucune, ‘un droit d'accès aux établissements scolaires existant à un moment donné’. Cependant, ce droit n'est pas absolu ; il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il ‘appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat’. Les autorités nationales jouissent en matière de réglementation d'une certaine marge d'appréciation, mais il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention. Afin de s'assurer que les limitations mises en œuvre ne réduisent pas le droit dont il s'agit au point de l'atteindre dans sa substance même et de le priver de son effectivité, la Cour doit se convaincre que celles-ci sont prévisibles pour le justiciable et tendent à un but légitime. En outre, pareille limitation ne se concilie avec ledit article que s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. De telles limitations ne doivent pas non plus se heurter à d'autres droits consacrés par la Convention et les Protocoles. Les dispositions de ceux-ci doivent être envisagées comme un tout (Leyla Şahin, précité, §§ 152–156).
En l'espèce, la Cour observe que les mesures prises à l'encontre des élèves sont clairement prévisibles, dans la mesure où était appliqué le règlement portant sur la tenue vestimentaire des élèves que les intéressées se sont engagées à respecter lors de leur inscription.
Cependant, les requérants soutiennent que la réglementation litigieuse n'est pas compatible avec la Constitution turque, dans la mesure où aucune disposition constitutionnelle ou législative n'interdisait le port du foulard islamique dans les établissements scolaires. A titre subsidiaire, ils soutiennent que la tolérance des autorités scolaires pendant très longtemps dans l'application de telles règles leur a permis de penser que l'exception de porter le foulard islamique pendant les cours de Coran était devenue la règle et que le port du foulard islamique était autorisé dans l'enceinte scolaire.
Quant à l'absence d'un texte d'ordre constitutionnel ou législatif interdisant le port du foulard islamique, la Cour rappelle qu'il incombe au premier chef aux autorités nationales, et singulièrement aux cours et tribunaux, d'interpréter et appliquer le droit interne. A cet égard, elle se contente de rappeler qu'en vertu de l'article 12 de la loi fondamentale sur l'éducation nationale, ‘la laïcité est le fondement dans l'éducation nationale turque’. Par ailleurs, comme il a été noté dans l'arrêt Leyla Şahin précité (§ 99), la Cour constitutionnelle et le Conseil d'Etat ont considéré que le port du foulard islamique par les élèves n'était pas compatible avec le principe de laïcité, dès lors que celui-ci était en passe de devenir le symbole d'une vision contraire aux libertés de la femme et aux principes fondamentaux.
La Cour ne saurait par ailleurs souscrire à la thèse des requérants selon laquelle les autorités scolaires tolérant le port du foulard islamique par les élèves dans l'enceinte scolaire ont donné une tacite approbation au port du foulard islamique dans ces lieux, nonobstant les règles en vigueur.
En effet, cet argument ne résiste pas à l'examen des pièces du dossier: lors de l'inscription aux écoles İmam-Hatip, tant les élèves que leurs parents ont été informés de la teneur de ladite réglementation et ils se sont engagés à la respecter. Notamment à partir de l'année 1999, et face à la montée des actes de protestation dirigés contre la réglementation en question, la préfecture d'Istanbul a demandé aux établissements scolaires de veiller avec le plus grand soin à ce que lesdites règles soient minutieusement appliquées dans un esprit de dialogue et dans le but de préserver la sérénité dans les établissements scolaires. Par conséquent, et sans exclure la possibilité d'une légère divergence dans l'application des règles en vigueur en raison d'un contexte donné, une telle attitude des autorités ne peut rendre la règle en question imprévisible (voir, dans le même sens, Leyla Şahin, précité, § 95).
De même, eu égard aux circonstances de la cause et aux termes des décisions des autorités internes, la limitation litigieuse peut passer pour poursuivre les buts légitimes que sont la protection des droits et libertés d'autrui et de l'ordre.
Quant à la proportionnalité des mesures litigieuses, la Cour observe d'emblée que dans les établissements scolaires de second degré en Turquie, il existe des règles obligatoires à respecter régissant la tenue vestimentaire de l'ensemble des élèves sans distinction. En vertu de l'article 12 du règlement pertinent, les filles portent un uniforme et se présentent à l'école la tête nue. Dans les écoles İmam-Hatip, une exception à cette règle est prévue, selon laquelle les filles peuvent couvrir leurs cheveux pendant les cours de Coran. Par conséquent, l'on ne peut parler d'une interdiction stricto senso du port du foulard islamique, mais d'une réglementation qui autorise le port du foulard pendant les cours où l'on apprend le Coran.
Il importe de relever que de telles règles internes des établissements scolaires sont des dispositions d'ordre général applicables à tous les élèves indépendamment de leur conviction religieuse et elles servent notamment à l'objectif légitime de préserver la neutralité de l'enseignement secondaire qui s'adresse à un public d'adolescents susceptibles d'être exposés à un risque de pression (voir, mutatis mutandis, Abdullah Çiftçi c. Turquie (déc.), no 71860/01, CEDH-2004). A ce sujet, les organes de Strasbourg ont toujours souligné que la réglementation en matière d'enseignement peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté (Linguistique belge (au principal), arrêt du 23 juillet 1968, série A no 6, § 5) et une certaine latitude doit être laissée aux autorités compétentes en la matière (voir, mutatis mutandis, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Danemark, arrêt du 7 décembre 1976, série A no 23, p. 26, § 53, Çiftçi précité, X c. Royaume-Uni, no 8160/78, décision de la Commission du 12 mars 1981, DR 22, p. 27, et 40 mères de famille c. Suède, no 6853/74, décision de la Commission du 9 mars 1977, DR 9, p. 27).
En outre, les autorités des lycées İmam-Hatip ont empêché l'accès des élèves voilées à la suite du refus par ces dernières de ne pas porter le foulard islamique dans l'ensemble de l'établissement scolaire, nonobstant la réglementation en la matière. En effet, ces mesures n'ont été prises qu'en dernier ressort dans le but de rétablir la sérénité dans l'enceinte scolaire où les troubles liés aux actes de protestation s'étaient répandus, et ce à la suite de l'échec des tentatives de médiation opérées par les autorités directrices des écoles.
Par ailleurs, la Cour observe que, dans son avis du 27 mars 2002, la commission des droits de l'homme auprès de la préfecture d'Istanbul, saisie par les protestataires de la réglementation litigieuse, a justifié lesdites règles en se fondant, d'une part, sur le principe de laïcité énoncé dans la Constitution turque et, d'autre part, sur l'atteinte au principe de neutralité de l'école, arguments largement développés dans l'arrêt du 7 mars 1989 rendu par la Cour constitutionnelle. Cette dernière, dans son arrêt précité, a tenu compte du respect du principe du pluralisme, notamment dans les pays où la grande majorité de la population adhère à une religion précise, et où la manifestation de ses rites et symboles, sans restriction de lieu et de forme, peut constituer une pression sur les élèves qui ne la pratiquent pas ou sur ceux adhérant à une autre religion. Au demeurant, ladite commission a notamment observé que la création des écoles İmam-Hatip démontre que l'Etat avait pris des mesures pour concrétiser le droit à l'instruction, qui appelle de par sa nature une réglementation de l'Etat. Cependant, soulignant le principe de primauté du droit et rappelant les décisions des juridictions turques concernant les règles contestées, elle a attiré l'attention des pétitionnaires sur le fait que la réclamation visant à obtenir l'autorisation de porter le foulard islamique dans tous les espaces de l'école, soutenue par certains mouvements n'appartenant pas au monde éducatif, tendait à prendre une tournure susceptible de porter atteinte à l'ordre et à la paix des établissements scolaires.
De tels principes paraissent à la Cour clairs et parfaitement légitimes.
En conclusion, la Cour considère que la limitation litigieuse et les mesures y afférentes doivent s'analyser en une mesure justifiée dans son principe et proportionnée à l'objectif visé de protection des droits et libertés d'autrui, de l'ordre et de la défense de la neutralité de l'enseignement secondaire. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
B. Grief tiré de la seconde phrase de l'article 2 du Protocole no 1
En qualité de parents d'élèves, les requérants soutiennent que les mesures litigieuses ont porté atteinte aux droits qu'ils tenaient de la seconde phrase de l'article 2 du Protocole no 1, qui dispose:
‘(…) L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.’
Les requérants disent avoir inscrit leurs enfants dans des écoles İmam-Hatip, en pensant qu'il s'agissait d'établissements dispensant un enseignement conforme à leur conviction religieuse. Cependant, les mesures prises à partir du 26 février 2002 les ont privés de ce droit.
La Cour rappelle que la seconde phrase de l'article 2 du Protocole no 1 vise avant tout à sauvegarder la possibilité d'un pluralisme éducatif essentielle à la préservation de la ‘société démocratique’ telle que le conçoit la Convention (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Danemark, arrêt du 7 décembre 1976, série A no 23, p. 25, § 50). C'est dans l'ensemble du programme de l'enseignement public que l'article 2 du Protocole no 1 prescrit à l'Etat de respecter les convictions, tant religieuses que philosophiques, des parents. Etant donné le pouvoir d'appréciation laissé aux Etats en la matière, la disposition précitée leur interdit ‘de poursuivre un but d'endoctrinement qui puisse être considéré comme ne respectant pas les convictions religieuses et philosophiques des parents. Là se place la limite à ne pas dépasser’ (Valsamis c. Grèce, arrêt du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, pp. 2323–2324, §§ 26–27, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, précité § 53).
La Cour commence par relever que les lycées İmam-Hatip, où la théologie islamique est largement dispensée, sont des établissements publics de l'enseignement secondaire destinés principalement à former les futurs cadres religieux. Il s'avère également que de nombreux parents ont inscrit leurs enfants dans ces établissements non seulement pour qu'ils deviennent de futurs cadres religieux mais également pour qu'ils poursuivent leurs études supérieures dans les disciplines générales en ayant une bonne instruction religieuse.
Les parents d'élèves n'allèguent pas que l'enseignement de la théologie islamique dans ces écoles constitue une tentative d'endoctrinement et ne contestent ni la définition ni l'aménagement du programme appliqué dans ces établissements (comparer avec Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, précité). Ils souhaitent que leurs filles soient soustraites à des règles qui autorisent le port du foulard islamique uniquement pendant les cours de Coran et qu'elles portent le foulard dans l'enceinte de l'école sans aucune restriction, en conformité avec leur conviction religieuse.
A ce sujet, la Cour observe que la seconde phrase de l'article 2 implique principalement que l'Etat, en s'acquittant des fonctions assumées par lui en matière d'éducation et d'enseignement, veille à ce que les informations ou connaissance figurant au programme soient diffusées de manière objective, critique et pluraliste (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, précité, p. 26, § 50) dans une atmosphère sereine, préservée de tout prosélytisme intempestif.
Quoique destinées principalement à former de futurs cadres religieux, les lycées İmam-Hatip ne sont pas des écoles confessionnelles et font partie du système éducatif de Turquie. Par conséquent, ils n'échappent pas au principe de laïcité. Un Etat ayant créé de tels établissements publics ne saurait être dispensé de son rôle d'arbitre neutre, garant du pluralisme confessionnel. Il incombe à cet égard aux autorités compétentes — dans le cadre de la marge d'appréciation dont elles jouissent — de veiller avec une grande vigilance à ce que, dans le respect du pluralisme et la liberté d'autrui, la manifestation par les élèves de leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires ne se transforme pas en un acte ostentatoire, qui constituerait une source de pression et d'exclusion. Cela vaut d'autant plus que le sens ou l'impact des actes correspondant à l'expression publique d'une conviction religieuse ne sont pas forcément les mêmes suivant les époques et les contextes (mutatis mutandis, Leyla Şahin, précité, § 109).
Pour les requérants, il est inacceptable que l'accès de leurs filles à l'enceinte scolaire soit empêché en raison du fait que celles-ci respectent, selon eux, un précepte religieux. A cet égard, pour la Cour, il suffit de constater que tant les parents que les élèves ont été informés des conséquences qu'ils allaient subir en cas d'inobservation des règles en vigueur. Il importe aussi de constater que le refus d'accès à l'enceinte scolaire n'était pas accompagné de poursuites disciplinaires ; en effet, en respectant le code vestimentaire, les élèves peuvent continuer de suivre leur enseignement.
En outre, l'obligation faite aux élèves de se présenter la tête nue dans l'enceinte scolaire, à l'exception des cours de Coran, ne prive pas leurs parents de leur droit ‘d'éclairer et conseiller leurs enfants, d'exercer envers eux leurs fonctions naturelles d'éducateurs, de les orienter dans une direction conforme à leurs propres convictions religieuses ou philosophiques’ (voir, mutatis mutandis, Valsamis, précité, p. 2325, § 31in fine).
En conséquence, le code vestimentaire imposé en l'espèce et les mesures y afférentes ne portent pas atteinte au droit énoncé à la seconde phrase de l'article 2 du Protocole no 1. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
C. Grief tiré de l'article 9 de la Convention
Les requérants invoquent pour leurs enfants l'article 9 de la Convention, ainsi libellé:
‘1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.’
La Cour rappelle que si la liberté de religion relève d'abord du for intérieur, elle implique également celle de manifester sa religion individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi.
L'article 9 énumère les diverses formes que peut prendre la manifestation d'une religion ou conviction, à savoir le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. Il ne protège toutefois pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter d'une manière dictée par une conviction religieuse (Leyla Şahin, précité, §§ 105 et 212).
En l'espèce, la Cour rappelle avoir conclu ci-dessus que l'obligation imposée aux élèves de porter un uniforme scolaire et de se présenter la tête nue à l'école est une règle d'ordre général, qui s'applique à tous les élèves sans considération de conviction religieuse. Par conséquent et, à la lumière des considérations formulées ci-dessus au regard de l'article 2 du Protocole no 1, à supposer même qu'il y ait eu ingérence dans le droit des intéressées de manifester leur religion, la Cour ne discerne aucune apparence de violation de l'article 9 de la Convention (au regard des articles 8 et 10, voir, mutatis mutandis, Barbara Stevens c. Royaume-Uni, no 11674/86, décision de la Commission du 3 mars 1986, DR 46, p. 245).
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
D. Griefs tirés des articles 3, 8, 10, 13 et 14 de la Convention ainsi que de l'article 1 du Protocole no 1
Les requérants allèguent une violation des articles 3, 8, 10, 13 et 14 de la Convention, ainsi que de l'article 1 du Protocole no 1.
En ce qui concerne l'article 3, la Cour rappelle que, pour tomber sous le coup de cette disposition, un traitement doit atteindre un minimum de gravité. Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce.
Quant aux griefs tirés des articles 8 et 10, leur argumentation n'est que la reformulation du grief exprimé sur le terrain de l'article 2 du Protocole no 1 et de l'article 9 de la Convention, aux sujets desquels la Cour a conclu à l'absence d'apparence de violation.
Pour ce qui est du grief tiré de l'article 14, pris isolément ou combiné avec les autres dispositions invoquées par les requérants, la Cour observe que le code vestimentaire des élèves ne vise pas l'appartenance de ces derniers à une religion, mais poursuit notamment le but légitime de protection de l'ordre et des droits et libertés d'autrui. Il a manifestement pour finalité de préserver le caractère neutre et laïque des établissements d'enseignement — et ainsi de protéger des adolescents qui peuvent être exposés à un risque de pression — et de veiller aux intérêts du monde éducatif. Par ailleurs, des règles analogues s'appliquent également aux garçons qui fréquentent les lycées İmam-Hatip.
A l'égard du grief tiré de l'article 13, rien dans le dossier ne permet d'établir que les requérants n'ont pas à leur disposition de recours effectif. Outre les recours administratifs utilisés par les intéressés, ces derniers avaient la possibilité d'introduire un recours en annulation contre les actes des autorités scolaires devant les tribunaux administratifs ; cependant, ils n'avaient pas estimé utile d'en faire usage en raison de la jurisprudence établie en la matière.
S'agissant du grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1, la Cour souligne que, selon les éléments du dossiers, les élèves requérantes ont toujours la possibilité de reprendre leurs études secondaires, étant donné l'absence de sanctions disciplinaires en raison des faits de la cause. Pour ce qui est du manque à gagner, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, le revenu futur ne peut être considéré comme un ‘bien’ que s'il a déjà été gagné ou s'il a fait l'objet d'une créance certaine.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
E. Griefs tirés des articles 5 et 11 de la Convention
1
Le requérant Necmi Aköz ainsi que trente et une requérantes prétendent avoir été arrêtés en violation de l'article 5 de la Convention.
La Cour rappelle qu'en matière de ‘régularité’ d'une détention, y compris l'observation des ‘voies légales’, la Convention renvoie pour l'essentiel à la législation nationale et consacre l'obligation d'en observer les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l'article 5: protéger l'individu contre l'arbitraire.
En l'espèce, les trente et une requérantes ont été arrêtées le 19 mars 2002 et conduites au poste de police pour contravention à la loi no 2911 sur les rassemblements publics. Elles ont été privées de liberté pendant une brève période et ont été libérées quelques heures plus tard sans avoir été traduites devant un magistrat.
Quant à M. Aköz, celui-ci a été arrêté le 9 avril 2002 au cours d'un rassemblement organisé devant le lycée Imam-Hatip pour incitation à l'inobservation des lois, et rétenu pendant cinq heures afin d'établir sa déposition.
Au vu de l'ensemble des éléments, rien n'indique que ces privations de liberté ont été arbitraires (Steel et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, § 78).
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2
Les mêmes requérants allèguent une violation de l'article 11 de la Convention en raison de l'intervention policière dans leur rassemblement pacifique. A cet égard, à supposer que les requérants aient épuisé les voies de recours internes en l'espèce, la Cour n'aperçoit aucun début de preuve démontrant que les mesures prises par les forces de l'ordre dans le but de disperser un rassemblement non encadré par la loi constituaient une atteinte disproportionnée aux droits des requérants.
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
F. Griefs tirés des articles 6 et 7 de la Convention
1
Les requérants soutiennent que leur droit d'accès à un tribunal au sens de l'article 6 de la Convention a été violé dans la mesure où les juridictions internes n'ont pas accueilli leur demande tendant à faire constater la mise en œuvre de l'interdiction du port du foulard islamique.
La Cour n'établit cependant aucun lien entre le refus contesté et l'accès au tribunal. Sans que les juridictions aient constaté les faits au préalable, les requérants auraient pu introduire un recours en annulation devant les juridictions administratives ; ils n'avaient pas cependant estimé utile d'en faire usage en raison de la jurisprudence établie en la matière.
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2
Quant au grief tiré de l'article 7 de la Convention, la Cour rappelle que cette disposition consacre le principe de légalité des délits et des peines et prohibe également la rétroactivité de la loi pénale (voir Kokkinakis c. Grèce, arrêt du 25 mai 1993, série A no 260-A, p. 22, § 52). Il est hors de doute que le refus opposé aux élèves d'accéder aux établissements scolaires en application d'une règle interne d'une école ne saurait être qualifié de peine résultant d'une condamnation au pénal. Par conséquent, l'article 7 n'est pas applicable en l'espèce.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 35 § 3, et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Liste des requérants
- 1.
Şefika Köse, mère de Sabire Köse.
- 2.
Sabire Köse, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 3.
Ahmet Direk, père de Ayşe Direk.
- 4.
Ayşe Direk, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 5.
Yunus Torpil, père de Hayrunnisa Sümeyye Torpil.
- 6.
Hayrunnisa Sümeyye Torpil, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 7.
Ayşe Nur Yetgil, mère de Melike İzgördü.
- 8.
Melike İzgördü, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 9.
Adem Torpil, père de Fatma Torpil.
- 10.
Fatma Torpil, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 11.
Halil Yıldız, père de Esma Yıldız.
- 12.
Esma Yıldız, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 13.
Ahmet Doğan, père de Ümmü Gülsüm Doğan.
- 14.
Ümmü Gülsüm Doğan, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 15.
Hüseyin Demir, père de Merve Demir.
- 16.
Merve Demir, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 17.
Zekeriya Kayış, père de Tuba Kayış.
- 18.
Tuba Kayış, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
- 19.
Mehmet Yücel, père de Zeynep Yücel.
- 20.
Zeynep Yücel, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 21.
Ali Usta, père de Zeynep Usta.
- 22.
Zeynep Usta, née en 1989, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 23.
Sevdiye Süer, mère de Hilal Süer.
- 24.
Hilal Süer, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 25.
Gülhanım Demir, mère de Aysel Demir.
- 26.
Aysel Demir, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 27.
Türkan Özçelik, mère de Dilek Özçelik.
- 28.
Dilek Özçelik, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 29.
Hacı Arslan, père de Fatma Arslan.
- 30.
Fatma Arslan, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 31.
Azime Akkuş, mère de Tuğba Akkuş.
- 32.
Tuğba Akkuş, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 33.
Satılmış Aşaroğlu, mère de Tuba Aşaroğlu.
- 34.
Tuba Aşaroğlu, née en 1988, élève au lycée İmam-Hatip de Kadiköy.
- 35.
Cemal Karagöz, père de Ayşe Karagöz.
- 36.
Ayşe Karagöz, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 37.
Dilaver Kılınç, père de Safiye Kılınç.
- 38.
Safiye Kılınç, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 39.
Osman Albayrak, père de Sare et Semra Albayrak.
- 40.
Sare Albayrak, née en 1984, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 41.
Semra Albayrak, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 42.
Ağa Dede Çelik, père de Neslihan Çelik.
- 43.
Neslihan Çelik, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 44.
Yaşar Kurcan, père de Fatma Kurcan.
- 45.
Fatma Kurcan, née en 1983, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 46.
İrfan Yılmaz, père de Özlem Yılmaz.
- 47.
Özlem Yılmaz, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 48.
Hikmet Okuyucu, père de Ayşe Okuyucu
- 49.
Ayşe Okuyucu, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 50.
Hacı Ali Puşti, père de Ayşegül Puşti.
- 51.
Ayşegül Puşti, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 52.
Ümmü Ekinci, mère de Tuğba Ekinci.
- 53.
Tuğba Ekinci, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 54.
Ayşe Sarı, mère de Dilek Sarı.
- 55.
Dilek Sarı, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Pendik.
- 56.
Şule Doruk, élève au lycée İmam-Hatip de Pendik.
- 57.
Tuğba Şahin, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip de Pendik.
- 58.
Hacer Küçük, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Tuzla.
- 59.
Gülşah Demirkan, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 60.
Ümmühan Güleç, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 61.
Ayşe Yılmaz, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 62.
Beyza Ormancı, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 63.
Azize Turan, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 64.
Zübeyde Gür, née en 1984, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 65.
Vildan Yıldırım, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 66.
Neşe Arslan, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 67.
Mevhibe Sümeyye Kahya, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 68.
Seval Yenituran, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 69.
Gamze Ünal, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 70.
Reyhan Güler, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 71.
Zeynep Akın, née en 1982, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 72.
Narin Yıldız, née en 1984, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 73.
Tuğba İşler, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 74.
Seval Gürsoyn, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 75.
Ceylan Şimşek, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 76.
Meryem Topçu, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 77.
Yasemin Yüksel, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 78.
Gülşen Balekoğlu, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 79.
Elif Can, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Eyüp.
- 80.
Mehmet Kalafat, père de Rabia Kalafat.
- 81.
Rabia Kalafat, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip d'Ümraniye.
- 82.
Gülbahar Savaşan, mère de Ayşegül et Nurdan Savaşan.
- 83.
Ayşegül Savaşan, née en 1984, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
- 84.
Nurdan Savaşan, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
- 85.
Halil Sağlam, père de Betül Sağlam.
- 86.
Betül Sağlam, née en 1983, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
- 87.
Hüsniye Şengüneş, mère de Merve Şengüneş.
- 88.
Merve Şengüneş, née en 1987, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
- 89.
Süleyman Anbarkaya, père de Fatma Nur Anbarkaya.
- 90.
Fatma Nur Anbarkaya, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
- 91.
Nebahat Güneysu, mère de Kübra Güneysu.
- 92.
Kübra Güneysu, née en 1985, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
- 93.
Necmi Aköz, père de Miraç Aköz.
- 94.
Miraç Aköz, née en 1986, élève au lycée İmam-Hatip de Kadıköy.
S. DOLLÉ
Greffière
J.-P. COSTA
Président